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La journée fut presque idéale. Ce presque
est pénible... se pointant en fin de journée, au moment
où, je m'apprêtais à écrire ma grande journée
parfaite, et ponctuelle. La journée de la ponctualité.
Une succession tout le long de la journée.
Le matin, le lever, la machine à laver, ma douche, mon départ,
mon passage chez Pablo… Pablo, légèrement "
vexé " par l'édito où il n'a pas toujours
raison. L'article de Pivot est scotché sur une vitre de la librairie,
à gauche de la porte. Des gens, des jeunes filles, viennent poser
des questions sur l'étrange " Stéphane ", leur
pion chéri. Mais pas d'achats. Pablo me fait lire Livre Hebdo,
rien à voir avec ce qu'on m'a dit. Les propos sont justes, rien
n'est oublié. Je souffle et me réjouis. Il faudra penser
à une dédicace à Coulommiers. Qui voudraient bien
venir ? Un samedi bucolique, ça peut être sympa. A voir,
en septembre. D'ici là, ce sont les vacances. Le départ
en Amérique, pour certains. En Nouvelle-France, en néo-France.
Le train arrive à l'heure, je tournais dans la gare depuis dix
minutes. Je m'étais posé à l'arrivée, accoudé
à un angle d'un mur. J'aperçois de jolies filles dans
le train, y a des canons à Coulommiers ! m'exaltais-je à
voix haute. Je suis seul. Une petite brune me sourit, une ancienne lycéenne,
certainement. Pas l'occasion de la rejoindre faire le kéké.
La porte s'ouvre, Caroline C. (ou S., je sais pas) se révèle
une nouvelle fois à moi. Toujours aussi… Je lui demande
si elle avait reçu mon carton, je piaille (comme mes tendres
amis ici) de ma bêtise, pourquoi ne pas avoir noté son
nom, son adresse, au lieu de faire celui à la mémoire
tenace (alors que face à elle, je connais à peine mon
alphabet ou ma table de deux) ! Donc l'adresse ne correspondait pas
et l'orthographe de son nom n'est pas homonyme à l'actrice grosse
et vulgaire pensée, bêtement. Je lui montre Bordel,
que je te montre le bébé quand même. Elle semble
ravie, je lui demande si elle a un stylo, nullement, je ne la reverrai
jamais, elle me dit qu'elle doit me quitter, à bientôt,
mon père m'attend. Je prends le train heureux de ce hasard, ce
hasard qui aime me souffler de jolies personnes sur les joues. Une sublime
petite maghrébine monte dans un wagon, je recule et choisis le
même. Pas de face, je dois lire, mais derrière elle, assez
loin, pour ne pas trop être capté, captivé, mais
suffisamment pour avoir conscience de sa grâce. Serait-ce une
sœur à Rabéa et Dabéa ? Un court instant je
pense lui demander. Un court moment. Je lis, je lis et suis bien surpris,
je ris bien même, " Pourquoi tu ne m'aimes pas " de
Claire Castillon, qui sortira bientôt, en septembre, je ne sais
trop. Un côté Jauffret, ou alors est-ce son style permanent,
je ne l'ai jamais lue. Je rigole, certaines saillies inhumaines m'obligent
à des rires forts et saccadés. La beauté berbère
ne bronche pas. Parfois, je vois son profil ciselé, au long nez
triangulaire, dans la vitre. Le roman me porte tout le long du trajet.
A Paris, à la bonne heure, je marche jusqu'à rue de Turenne
pour saluer Sébastien. Je souris tout le temps. J'appelle d'une
cabine, boulevard Magenta, le numéro de portable d'Alexandre
Millon, de visite à Paris, de balade à Meaux. Je tombe
sur Bruno Roza, tiens un autre auteur Dilettante, Alexandre a oublié
son portable chez lui, à Meaux. La conversation est brève
et charmante, je suis de belle humeur. Je ne force pas le pas, pour
une fois. Je profite et arriverait chez mon ami, qui ne m'attend pas,
quand la distance sera parcourue. Sébastien est là, travaillant.
Heureux de me voir, on s'est loupés hier soir ; tout le monde
s'est loupé, Pascal, Rodolphe, nous. Je lui propose de l'inviter
au restaurant, à un Japonais ? Je venais de tirer de l'argent,
quelle surprise et joie, je suis à découvert, et normalement…
ma lettre à mon banquier a dû faire mouche. Je dilapide
mon gain inattendue dans un déjeuner exquis, sushis, brochettes
faites sur place, moins jolis tout ça, mais tellement plus savoureux.
La journée est parfaite, je le redis, parfaite. Un thé
O-cha chez Sébastien, de belles discussions et je pars à
pied, vers 15h30, pour le grand bassin du Luxembourg où nous
avons rendez-vous avec Alexandre et certainement Marielle à 16h.
Je reprends la rue Vieille du Temple, ses magasins ouverts, je suis
bien et rêve de m'acheter de jolies chemises… Avant j'étais
très boutiques de fringues, la vie, la thune, la lecture, l'écriture,
surtout l'argent, en fait.
Je remonte la rue des Carmes, le Panthéon, Aux grands hommes…
J'en suis un, c'est indubitable. Le soleil claque par terre, et rebondit
dans ma face réjouie, de pâtre Touquinois. Au Luxembourg,
pullulant de gens, je suis confiant. Limite benêt. Je choisis
un côté du bassin, 16h, précision de monarque, j'aperçois
s'installant sur chaises, Alexandre et Marielle. Joliment hâlés,
souriants, une belle rencontre. Sous le soleil parisien, que je remercie,
car sans lui, où serais-je. Nous bavardons de Bordel,
de la soirée, de Valérie, de mes tracasseries concernant
les envois… Je lui montre l'exemplaire que j'ai sur moi, pour les
dédicaces… " Les hasards de notre vie nous ressemblent
" (Elsa Triolet) signe-t-il sur le livre. Une phrase qui nous ressemble.
Bières rue Soufflot. J'ai tant soufflé ces derniers jours.
Discussions sur Frédéric(s), l'épanoui et l'aigri.
Je n'ai rien contre l'aigri, et ses pulsions égocentriques, mais
qu'il le sorte son livre, qu'il soit bon et fort, mais qu'il agisse
au lieu de minauder sur le Net. Quant à l'épanoui, j'ai
hâte de lire sa prochaine fenêtre sur le monde. La mienne
donne sur un chien seul. Nous sommes trois, et trois à concevoir
la vie avec enthousiasme, humanité et confiance (la volonté
du " premier pas ").
En pleine conversation, des chants de louanges divins résonnent…
Une procession longue et réjouissante, vieilles et bambins glorifient
le Seigneur. C'est ragaillardissant. J'aime voir ce défilé,
loin des abrutissements corporatistes. De la vie, de l'espoir, de l'Humanité…
Nous nous quittons, dans le train, une fille lit un livre Léo
Scheer sur la traduction de la poésie, je la regarde, m'accoste
et me propose de le feuilleter. Je lui tends mon Bordel en échange.
Nous descendons à Châtelet, pour une discussion sur le
quai. Je reprends le métro, car ce n'était pas la bonne
station. Le RER, je lis. Je ne fais rien. Je stresse un peu sur l'horaire,
ne pas louper le bus de 19h40 à Chessy. Arrivée officielle,
19h31. Les portes s'ouvrent, l'horloge change, 19h31… Parfait.
Le bus part à l'heure, je suis dedans. Dehors, des petites du
lycée devenues grandes, et certaines des pulsions de séduction.
Je me demande si Côme me préviendra pour le show case du
23, demain. Parfait, un mail de lui. Tout roule. Parfaitement.
Seul hic,
mais j'en suis heureux, un long message de la " médusée
" et de sa vision de la soirée… tranchant, décapant,
le petit passage sur " Caroline " me touche, me renvoie une
nouvelle fois vers elle, elle qui pourtant m'a dit " je t'aime
" pour se barrer avec mon ami, car je parle trop, car je suis chiant,
partie avec quelqu'un qui parle moins (moins de choses à dire
aussi, ou alors des répétitions)… Je suis tout de
même blessé par ce mail, car elle-même fut blessée
par la scène qu'on lui proposée. Tout cela manquait d'humanité,
c'est vrai. Egotistement vrai.
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