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Encore une journée mouvementée, à marcher, à
voir des signes. A rencontrer des sourires. A en lire. Aussi. Je rentre
chez moi courbaturé, si je n'étais pas bronzé,
j'aurais les avant-bras bleus. De beaux hématomes, je marque
facilement, au mal. Il est tard, et je suis chez moi. J'ai lu et répondu
aux messages du jour, se sentir soutenu, mais plus que cela, compris.
Je suis pourtant fatigué, une journée de mollets. Ils
sont durs, secs, vénères. Les épaules nouées,
tendues, exténuées. Des phrases oubliées, tout
le long de ma longue marche du jour.
Je suis là.
J'allume la télévision, après un étrange
zapping, je tombe sur " Questions pour un champion ", La question,
une sur de Bonaparte, un collier de Pompéi, donc l'Italie,
Murat, personne ne trouve, " Caroline ". C'est une plaie.
Je me complais à digérer ma salade lardons patates, groggy
par l'usure, par tout ce qu'il reste à faire.
Je ne sais plus trop comment cette journée s'est déroulée,
je ne me souviens plus de mon sommeil, Sébastien travaillait
et était perturbé, par la pièce de théâtre
qu'il venait de voir où joue son amie Caroline, par une part
de jalousie, par un besoin de véracité, il n'a pas la
tête à l'archi, je le sens bien, l'entends, il pianote
sur son téléphone. Il partira, moi, affalé sur
le canapé. Lessivé. Lavé. Séché.
A
un passage piéton, je repère une enseigne, la première
fois et je passe si souvent ici, " Le monde des épices ",
serait-ce la rue " François Miron " ? Tout à
fait, sans la chercher la voilà. Hier, j'avais déjeuné
avec une jeune femme, Annabel, qui m'avait envoyé des nouvelles,
elle m'avait emmené dans des récits d'un Paris aux mille
délices. Savoureux, mystérieux, merveilleux. Et donc cette
boutique des odeurs. J'y pénètre, de gros sacs, des fragrances
multiples, l'autre à portée de nez. Mon grand nez est
bon voyageur.
Je poursuis ma route, assuré de ma conquête. Sur l'île
St Louis, je m'imagine discourir pour motiver un poste rue des St Pères,
je ne suis pas baptisé, oui, j'ai fondé bordel, oui, mais
je suis un chrétien, si, un écrivain décadent d'essence
chrétienne, si, le doute, le pardon, c'est tout partout en moi
Je blasphème, à la devanture d'une librairie, où
je guette un exemplaire hypothétique de Bordel, ma rage
finissant au point, mon regard se pose sur un moine en librairie. Un
homme gronde son chien, au niveau de mon oreille, " quel connard
! "
Plus loin, le soleil est entre le deux tours de Notre-Dame,
je remercie de ma promesse, si facile en fait. Je pars en pensées
chevaleresques, cette histoire fut le moyen de réveiller le roi,
en moi. Lancelot en succombant oblige Arthur à partir à
la recherche du Graal, merci de ta faiblesse et bêtise, Cyril.
Telle est ma quête, suivre l'étoile, c'est Brel qui m'accompagne
désormais. Mon Graal. J'ai soif. Je marche.
Au Luxembourg, des jeunes gens jouent au tennis, je choisis le chemin
pris avec Eric BB, mais inversement. Je fais confiance à ma mémoire.
J'arrive à bon port. De l'avance, je relis un peu mon manuscrit,
qu'il est mauvais mon premier janvier. A l'heure dite, Nischa est là.
Je ne sais pas quoi dire de cette rencontre, je préserve ce souvenir.
Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs j'accepte qu'elle paie sa part,
en général, j'invite. Je me réjouis qu'elle ait
cette particularité. En marchant, nous parlons de Kevin Smith,
je ne suis pas vraiment le prototype du " silent bob "
Je jacasse tout le temps
Et d'ailleurs je parle trop, trop vite
Des amis n'avaient pas
reçu d'exemplaires, j'en parle, pourtant deux envois ont été
faits, ah ?, je renvoie à ceux qui m'avaient fait part de leur
désappointement, bon, et là, ce soir, les " grognards
" me disent " super je l'ai reçue " ; et c'est
pas le dernier. Fred est beau et jeune, marié. Je reprends Héloïse
pour le retravailler, et laisse le Journal Live From Touquin, année
2003
Je parle, et aujourd'hui, première vraie conversation
avec Juliette, une vision particulière de l'Idéale. Femme
idéale. Celle qui mérite l'amour
Bon, les femmes
fatales, ça reste bandant. Bordel de bite ! Bon, j'ai de la chance,
j'ai une bite qui ne pense pas, qui ne réclame rien, juste un
gigotage de temps à autre
Lentement, le corps meurtri, je fonds au Petit Suisse, bientôt
rejoint par le fringant Jérôme A. venant de la FNAC Montparnasse,
Florian est l'auteur recommandé, au bord de lui, Bordel.
Génial. Nous faisons ensuite le constat que nous sommes des auteurs
de la nostalgie. Je suis un ressasseur, des rêves de la transition,
15-18 ans, après on répète, on tourne autour, faisant
des cercles, des huit, tout ça rime à rien, sauf si on
est poète.
[
Je reste planté, à regarder, s'éloigner au loin
dans les brumes d'un regard désabusé, couard et myope,
la silhouette fragile, bringuebalante et évanouie d'une fille
croisée à un nouveau passage piétons. Je l'avais
vue sur l'autre rive, touché par la grâce et la douceur
qui émanaient d'elle. Brune, jolie, souris, biche, petit animal
mordoré, étincelant, à pleurer. " Mademoiselle,
excusez-moi,
, je peux vous inviter à boire quelque chose
Vous avez un peu de temps, nous pourrions bavarder un peu
".
elle aurait certainement accepté, elle semble gentille, son regard
baissé, timide lorsque nous nous sommes croisés. Pourquoi
je ne fais jamais rien de courageux. Je reste planté de longues
minutes sur une grosse dalle près d'une librairie de livres de
Médecine. L'envie de courir la retrouver. N'en fut rien. ]
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