Mon père est déjà parti. Il est pourtant que 9h30. J'ai bien dormi. Ma chambre étant au-dessus de celle où ils dormaient, mon père et ma belle-mère. Jean-Michel et Mauricette. Jean-Mi et Momo. On dirait deux lascars d'une cité des " Démons de Jésus " ; ah tiens, il ne faut pas que j'oublie de bien relire les textes de Bernie et de lui proposer de développer sous forme d'une longue nouvelle certains portraits qu'il esquisse dans ce que j'ai lu.
Ils sont partis. Ce sont des lève-tôt. Partis pour un mariage où mon père est témoin. A Verneuil L'étang. Le maçon au sourire chevalin et à la note chacal épouse la fille du mère, encore un mauvais film… euh… " Les démons… " est un excellent film, mais là, c'est du mauvais cinéma… Des héros sortis de Mocky. Même si j'aime bien Mocky. Bon, je me tourne autour de moi, et je m'enlace dans les pensées, je trébuche, ne me piétinez pas…
Une matinée à quoi… ah oui, téléphoner à Amélie du Pays Briard, et peut-être appeler Isabelle à la poitrine plantureuse… Mais avant un peu de musique, " Dix ans " de Souchon, comme ça, parce qu'en cherchant, je suis tombé dessus et que je venais de mettre à fond (le temps de ranger, vider les poubelles, les bouteilles) Neurosis, du hard-core radical. Amélie me répond, elle passera vers 15h30, je lui précise l'endroit et qu'elle peut passer quand elle veut, je ne bougerai pas, je végéterai ici, entre livres et connexions web. Puis, dans ma lancée triomphante, Isabelle… Répondeur Orange, je laisse un mot, je parle trop, le bordel me coupe la parole en pleine…
Cela est fait. Mon courrier. Celui des grands-parents, des journaux, des magazines, le Pays Briard… Je pourrais lire ce qu'écrit Amélie L.
Mais avant, envie de pédaler… De sourire à des gens connus… Je passe voir JP, personne… Je m'arrête au terrain de tennis pour vérifier qu'ils n'ont pas changé la serrure, les salauds de la commune. Quand comprendront-ils qu'il faut le laisser open ce court !
D'ailleurs la serrure n'est pas verrouillée… Très bien…
A côté, des gamins hurlent, jouent, rient, c'est la der… Un petit me demande une balle passée par-dessus le grillage, je m'exécute. Il y a des grands, très grands, 14 ans, dans ce court pour les CP, CE1… " Les enfants des Tournelles ", Congolais, Arméniens et les terribles Tchétchènes… Le petit Clément vient me parler au grillage, il a une petite bouille de blondinet tout très trop gentil. Il a tout juste 7 ans. Ou 8, mince j'ai un doute. Il part chez sa marraine, ses " copines ", à la mer, " la plus belle mer qu'il ait visitée "… avec des grosses vagues, son visage s'attriste un peu, légèrement, petites rougeurs sur pommettes saillantes, " je sais pas nager ". Tu apprendras bonhomme. Un copain débarque en hurlant, " je ne suis pas contagieux "… Jouant sur le doute, la peur, la méfiance… Il a la varicelle, enfin, avait… Merde, je ne l'ai jamais eue, moi, attention… Ils me parlent du footballeur mort comme ça, c'était dans les informations hier me disent-ils… " C'est le stress, comme ça, c'est comme ça " me soupire le petit, bien connaisseur de ce fatal stress. C'est ce qu'on appelle, en foot, la mort subite.
Avant de reprendre ma selle, je cours de l'autre côté du rectangle de récréation pour renvoyer un ballon, me demande le petit Rachid, le fils aîné de Mafhoud, mon épicier. Notre.
Après ce moment de bonheur, je le poursuis en m'arrêtant voir ma mère, attablée, pliant les cahiers de la prochaine rentrée. Ses lunettes bricolées elle-même… Par le biais de l'aide de sa sœur Brigitte. Je suis assis sur une petite chaise, dans la grande classe (celle de quand j'étais un " grand "), même disposition, le tableau, le même, je crois, en tout le lino de la partie peinture, c'est bien le même. Il y a quatre mômes, Paul, petit blond calme à lunettes (il me comptera avec succès jusqu'à 100, et plus), Garance, son sosie, Maxime, gentil petit grassouillet très soigneux, et la très bavarde Justine, une future sacrée pitchounette, très intelligente, spirituelle, et une future petite bombe… Pour le moment, elle cheftaine un peu le quatuor et rappelle à ma mère, à qui si peu de mémoire, les choses essentielles…
Tous mignons, à cet âge là, en général… Ils colorient des hiboux, découpent, comptent droits devant moi des chiffres doubles… Assis sur des chaises que j'ai connues, jouant à des jeux de cubes que j'ai bien connus.
Comment deviennent-ils si odieux ? Pour laisser certains devenir de Grands Hommes. Le prix.
Rentré chez moi, je m'équipe d'un couteau, dans le jardin de pépé, que je n'avais pas encore visité, bien achalandé, net, je me coupe une salade pour ce midi. Ma tactique d'épluchage est drôlement efficace, je la montrerai à mémé. Pauvre mémé qui s'est cassée une jambe chez mon père… Ne l'a dit que le lendemain, c'est bien elle, ne pas oser, ne pas déranger, ne rien dire… Plus que la jambe, elle qui souffre déjà comme ça, c'est le cogitage qui m'ennuie, elle va culpabiliser pour Jean-Michel, " la première fois qu'on va chez Jean-Michel et je fais venir les pompiers, hôpital, du souci, il ne mérite pas ça… "… Je la connais ma pauvre grand-mère. Tout enfoui en elle toujours.
Elle n'a pas un journal à écrire pour calmer un peu tout le bordel du ciboulot.
Ma salade est exquise, avec petits lardons très finement lamés, gruyère frais… Je fais une revue de presse, soirée Bordel-Hustler-Beigbeder évoquée dans Match, Amélie L. écrit un max. dans le Pays, elle est à toutes les pages, avec des articles très bien informés, très pédago… Qui est-elle ? Sur le Net… un article sur les 35 heures à L'EPI, journal de Sciences Po Lille, et un truc à l'école de journalisme de Strasbourg. Une fille sérieuse, pas trop vieille, IEP Lille 1998, donc elle doit avoir dans les 23 ans.
Je lis Histoire d'amour de Jauffret ; Pourquoi tu m'aimes pas de Claire Castillon est bien du Jauffret, j'avais bien fait de le citer à son éditrice, muette… Elle me trouve gonflant, me dit-on. Je me sens mieux dans le Jauffret, dans cette histoire très proche. Ce serait bien que Jauffret soit dans le Bordel 2, et pas seulement des auteurs jouant du même registre…
" Dix ans ", cinq ans… Ma mère, me faisant penser à Madame Crevette, l'aide maternelle, quand j'étais petit. Mon père, là, qui ressemble de plus en plus à son père, Maurice, mon grand-père. Et moi dans tout ça ? Physique de ma grand-mère, sa manie à me tourmenter. Mêlée à la manie de tourmenter de mon grand-père. Ce matin, ce fut le point du temps… le fil du temps rétracté en un point, condensé, unique, bien bordélique… Schizophrénique.

Emilie L., se pointe… Je parle, longtemps, longuement, est-ce fouillis, je raconte, je tresse, tricote, brode, construis, je suis un tisseur… Elle fait une photo, la revue, le site et moi… Ma tronche, haine de ma tronche, dans le journal de mes amis, de mon train, de mon supermarché, de mes bars… Horreur.
Emilie est sympathique, toute motivée par ce qu'elle fait, et elle fait beaucoup donc… J'attends de voir son article, et espère que le rédacteur chef lui filera l'exemplaire que j'ai fait envoyé.
Je reprends, à son départ, mon rythme solo, téloche, son, lecture et mails : Isabelle, me remerciant, m'annonçant son inspiration noctambule… J'attendrai.
Puis Claire F., déjà, relation épistolaire, confessions, propos, douceur, compréhension, un peu peur au début, similitudes, avec Caroline (intelligence, torture, belle écriture)… comédienne ? Théâtre… Je souris.
Elle ne veut pas m'appeler ce soir, là, une nuit, peut-être, mais pas envie de lancer ses seins en avant, à l'abordage de mon répondeur. Ce n'est pas une obligation.
Même si c'est vrai, je l'avoue, la coquine allusion mammaire d'Isabelle m'a émoustillé l'imaginaire. Mais je suis bien plus résistant que cela. Même si là-haut, cela s'agite gaiement.

22h00, Rodolphe appelle, il passe dans une heure, 22h02, Sophie, pas loin, elle passe me voir aussi, 22h05, Sébastien, à un barbecue près d'ici, idem…
Retour aux Sources

A Touquin, c'est le feu de la St Jean, j'y serais bien allé.

22h14, je découvre un mail d'Isabelle… Elle me parle de son ami Xavier (salut Xavier !), serais un clone de lui, plaisant à lire… Je lui dis c'est pas la bonne tactique d'approche d'un auteur égotiste que de la comparer à un autre… Mais belle stratégie, ses loches en avant, et pis, le pote en embuscade. Merde, moi qui pensais à ma libido locheuse. Surtout en lisant Histoire d'amour où les aréoles ont une présence si dure…
Xavier, tu m'écris quand tu veux… Surtout si on est si identiques… Pour la revue, demandez-la aux libraires, même sans l'acheter, ça fait bouger les choses…
Bon, je suis tout frustré d'un coup, ma belle poitrine disappear
Je m'étais fait un trip au conditionnel, bien dans ma lecture du jour, je l'aurais invitée à passer chez moi, un week-end, une semaine, un mois, un jour, une nuit, ce qu'elle aurait voulu. J'aurais donc découvert son opulente poitrine, elle m'en aurait confié la garde pour le temps de sa présence. J'aurais aimé sa lourdeur, ses mamelons dures, ses aréoles titillées, son odeur, sa sueur… Ils auraient pris des formes malléables à mon envie, à mon toucher, je les aurais léchés, mordus, caressés, embrassés, mangés, piétinés (lingualement), écrasés et libérés…
J'écris et attends Sophie, sors de ma douche, serviette, et ma bite, bander… Ne plus, car si elle arrivait.
Isabelle, je te remercie ! Xavier, écris moi. Et dernier point avant d'aller enfiler un calbute, JE N'AIME PLUS PAS CAROLINE ! Je ne peux aimer une fille qui m'aime pas, cela serait injure.
Sophie est devant moi, je sursaute dans l'obscurité de l'appartement. Je ne l'avais pas entendu, pris dans la lecture d'un mail d'Isabelle qui rectifiait mon interprétation, et me garantissait qu'il n'y avait aucune " méprise "…
Sophie, je parle, nous parlons, évoquons ce journal, " moins hétéroclite " depuis quelque temps, " beaucoup le mot bite aussi ", oui, c'est le réveil de ma bite ; ferait un bon sous-titre à mon année 2003…
Rodolphe nous rejoint, étonnement, il arbore une chemise de couleur et de fleurs, à la Rick dans Magnum. Je le chambre, ça met un peu de joie, de légèreté… Un instant, pour elle, pour nous… Gravité revient, Rodolphe apprend la tristesse de Sophie, lui très en enthousiasme ce soir, puis nous évoquons Cyril, et donc Caroline dont Sophie ignore tout, Cyril ne lui en parlant pas. Elle trouve dommage mes propos sur son imbécillité, mais personne ne peut affirmer le contraire. D'ailleurs pour elle, il ne se rend compte de rien, " c'est un gamin "… Oui, je sais, et de toute façon, nos routes se seraient séparées, quelques jours avant de partir à Antibes avec lui, je lui faisais la remarque que notre amitié ne tenait que par nos souvenirs d'adolescence, car nous n'avions rien d'autre en commun. Je précise aussi que j'ai toujours tenté de le maintenir, de l'encourager : proposition de stages à Comédie !, présentation de personnes à occupations " artistiques "… Tenter de lui apprendre à lire, prêter des bouquins, éveiller quelque chose d'autre que sa gentillesse innée. Sophie me trouve dur, mais ni elle, ni Rodolphe ne peuvent porter un jugement plus humain sur lui ; c'est un crétin humainement charmant, mais un imbécile, dans la grande tradition philosophique. Je suis sûr également que Caroline pourra le motiver, elle ne pourra pas se satisfaire de sa bite, de son cul, de ses lèvres et de " son irrésistible sauvagerie " longtemps, c'est une fille de charisme… Donc, elle pourra faire ce que j'ai échoué, l'ouvrir un peu au monde réel, lui apprendre à écrire, à lire, à enfin réaliser ses trucs au lieu de toujours maudire les autres, " c'est la faute des CPE, du proviseur, du patron, de ma soeur… ", et puis, elle pourra le faire tourner dans ses courts. Mais non, Sophie, je ne suis pas dur, je largue ce boulet avec le plus beau des cadeaux, une femme, une femme émulatrice…
C'est vrai aussi qu'il y eut des dommages, de réels ; elle revient sur notre rupture comme parallèle lorsqu'un salaud de l'Education Nationale (incompétent, maître chanteur, trompeur, menteur…) m'avait collé un rapport, et qu'elle n'avait pas bougé, si pas bougé qu'elle a désormais un poste de CPE dans cet établissement de la honte, du népotisme et de l'horreur du cynisme…
J'ai perdu en ce jour la confiance absolue en notre amitié, celle-ci est désormais relative, liée à notre passé, à nos souvenirs en commun, et à nos qualités humaines…
Avec Cyril, c'est autre. Tous sont d'accords pour dire que partir avec une fille qui fut avec moi, sentimentalement et sexuellement, est impardonnable ; même s'il est un gamin qui ne se rend compte rien… Je sais qu'il sait, je sais qu'il sait depuis le début, dès le premier jour, j'avais senti son amour pour elle. Par amitié, j'avais tout fait pour les rapprocher, pour lui faire plaisir, lui qui connaît que l'échec, moi étant plus fort, étant hors de grâce à tous les projets qui peuplent ma tête, mais elle avait résisté, persisté à me dire " toi, toi, toi… ". J'y ai bêtement cru, craqué… Mais jamais dupe. Je savais tout cela, je l'avais écrit, bien avant cette rencontre. Mais du volontaire, cela été passé au malgré.

Nous buvons un verre à la Libération… Rodolphe se fait joyeusement chambrer, tout y passe, Magnum, Barnum, Rodolphe encaisse et vide son Casa… Sébastien, Andrew, Laetitia et Stéphanie nous rejoignent… Puis, nous sommes en partance pour les Sources. Là-bas, Xavier (introuvable puis derrière le bar), Corinne (qui me remercie pour ma lettre et le livre de Valérie), Pascale qui vient me dire bonjour, me parle, me sourit (j'ai écrit des beautés et des horreurs sur cette beauté Renaissance), Audrey qui heureuse de me voir me file le numéro de sa sœur, seule à Narbonne, me motivant par Carine est toujours très heureuse (insistant) quand je luis dis que j'ai vue Stéphane…
Nous sommes près de la cheminée, quatre filles dont Pascale et Audrey sont assises sur le grand fauteuil près du bar, tout près de nous. Je fixe devant moi, les gens qui passent, Sébastien qui gesticule hilare devant Stéphanie en grande beauté, je plaisante à Rodolphe que le fauteuil près du bar doit être la tribune " femmes de barmen "… Rires.
Plusieurs regards avec Pascale… Aimables… Nous partons, lui fais la bise, puis, demande à Rodolphe deux minutes, je repars sur mes pas, pourrais-je avoir un moyen de te contacter, elle sourit d'un visage infini, je réitère grammaticalement différent ma doléance, elle sourit toujours, petits rictus successifs, se fout-elle de ma gueule, là, un barman se pointe et l'emballe, elle me glisse laisse-moi ton téléphone Stéphane… Je me casse, elle danse enlacée avec lui. Comme quoi les sourires…
Sur le parking, je souris à une fille dans une voiture, Rodolphe m'interpelle, quelqu'un te connaît dans la caisse… Alysson au volant… Attends, attends, dit-elle, j'en ai peu envie après l'épisode vexatoire d'avec Pascale… J'attends tout de même, elle sort enfin, nous n'avons rien à nous dire, elle s'enfuit après quelques mots, à une prochaine, on se contacte…
Chez moi, messages d'Isabelle… Je me couche harassé.