Qu’est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassés d’imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l’inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père Lachaise…
Cet hiver, afin de m’épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j’ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique. Au lieu de dire " Bonjour à tous", j’ai mis " Bonne année mon cul ". C’est net, c’est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire.

Chroniques de la haine ordinaire

Les orphelins ne s'imaginent pas l'acharnement à survivre dont sont capables certains octogénaires pour le seul plaisir de raconter leurs congés payés au Tréport en 36 à des gens qui s'en foutent. Ça dort à peine trois heures par nuit, ça consomme cent vingt-cinq grammes de mou par jour, ça ne tient pas plus debout qu'un scénario de Godard, mais ça cause...

Chroniques de la haine ordinaire

Ça y est. Ça recommence. Y'a ma libido qui me chatouille. J’arrive plus à bosser. Coucher, baiser, sauter, y a plus que ça qui compte, je n’arrête pas.
Samedi, j’étais tellement obsédé que j’ai sauté deux repas, j’ai baisé le fisc, et j’ai même couché avec allégresse quelques alexandrins sublimes sur le déclin de la rose.

Chroniques de la haine ordinaire

L’amour... il y a ceux qui en parlent et il y a ceux qui le font. À partir de quoi il m’apparaît urgent de me taire.

Fonds de tiroir

J’ai fait tous les métiers sauf prostitué : j’ai horreur qu’on me souffle dans le cou quand je cherche le sommeil.
Sans don, nul et fainéant, je résolus pourtant de devenir fonctionnaire. (…) Je fus nommé inspecteur-surprise à la brigade des stupéfaits, là, on me changea principalement de collaborer aux révisions des grandes affaires criminelles restées mystérieuses. Je conclus rapidement au suicide du photographe dans l’affaire Greenpeace, et à la responsabilité des milices chiites dans l’affaire Grégory. Mais c’est surtout ma thèse sur l’accident dans le drame d’Oradour-sur-Glane qui me valut les foudres d’un commissaire anti-SS hystérique qui finit par avoir ma peau.

Chroniques de la haine ordinaire (inédit)

L’héroïsme est la seule façon de devenir célèbre quand on n’a pas de talent. Hélas, la paix, qui est le mildiou de l’héroïsme, s’éternise en France, et je me vois mal héros ailleurs. A la rigueur, j’aurais pu faire pilote de camion-suicide au Liban, mais je n’ai pas mon permis…

Chroniques de la haine ordinaire (inédit)

Double V.C. Fields disait : " Quelqu’un qui n’aime pas les enfants ne peut pas être tout à fait mauvais. " Je ne sais pas si Monsieur Fields a raison. Tout ce que je sais c’est que le bon Dieu l’a puni en lui donnant un prénom de chiottes. C’est bien fait.

Manuel de savoir vivre à l’usage des rustres et des malpolis

Pourquoi l'idée que mes enfants souffrent m'est-elle si complètement insupportable, alors que je dors, dîne et baise en paix quand ceux des autres s'écrasent en autocar, se cloquent au napalm, ou crèvent de faim sur le sein flapi d'une négresse efflanquée?

Chroniques de la haine ordinaire
(version à la première personne, prévue pour la scène)

Les enfants ne sont ni des hommes ni des animaux. On peut dire qu’ils se situent entre les hommes et les animaux. Observons un homme occupé à donner des coups de ceinture à une petite chienne cocker marrante comme une boule de duvet avec des yeux très émouvants. Si un enfant vient à passer, il se met aussitôt entre l’homme et l’animal. C’est bien ce que je disais.

Chroniques de la haine ordinaire

Août est vulgaire. Transparents et mous, les méduses et les banlieusards échoués s’y racornissent sur le sable dans un brouhaha glapissant de congés payés agglutinés. Août pue la frite et l’aisselle grasses. En août, le pauvre en caleçon laid, mains sur les hanches face à la mer, l’œil vide et désemparé, n’ose pas penser qu’il s’emmerde. De peur que l’omniprésence de sa femelle indélébile, de sa bouée canard grotesque et de son chien approximatif ne lui fasse douter de l’opportunité du front populaire.

Chroniques de la haine ordinaire

Est-il Dieu possible, en pleine mouvance des droits de la femme, que des bougresses se plient encore aux ordres fascisants d’une espèce de Ubu prostatique de la mode, qui au lieu de crever de honte dans son anachronisme, continue de leur imposer le carcan chiffonneux de ses fantasmes étriqués, et cela, jusqu’au fin fond populaire de nos plus mornes Prisunic ?
Je t’en prie, ma femme, ma sœur, mon amour, mets ton jean, ou reste nue, mais ne marche pas dans la mode, ça porte malheur.

Textes de scène

Par la suite, et jusqu’à la fin du spectacle, l’auteur-interprète ne cessera d’afficher un mépris assez surprenant pour ce merveilleux métier de saltimbanque qui permet à l’homme de laisser enfin l’éblouissante créativité fantasmatique de son ego profond, trop souvent engourdi dans les méandres sournois d’un quotidien démobilisateur dont on ne saurait taire plus longtemps, l’infinie détresse – avec deux " s " également.

Résumé Théâtre Fontaine

(…) Le personnage public se doit de rester humble et lucide face au légitime engouement dont il est l'objet.La première fois que j'ai sorti mon museau de devant la télé pour le mettre dedans, (…) Jacques Martin me voyant un jour ronronner de vanité nouvelle au milieu d'une brassée de téléspectateurs à stylos brandis, me fit une remarque que je n'ai jamais oubliée et qui me revient en mémoire chaque fois qu'un quidam enthousiaste me phagocyte les baskets, m'imposant ainsi à l'esprit l'idée saugrenue que je ne suis pas de la merde.- Vois-tu, (…) mon cher Pierre, il est important que tu saches que le nombre de gens qui te voient en une seule soirée est à peu près trente fois supérieur au nombre total des gens qui ont vu Louis Jouvet pendant toute sa carrière.Il est de fait que si chaque nouveau starillon ululeur de rock départemental, si chaque nouvelle célébritouille microphonique, si chaque détenteur de sourire de lavabo pour grabataires finissants méditait un instant cette remarque pleine de bons sens, combien de têtes de cul poudrées resteraient sur leur commode avec humilité, plutôt que de s'élever jusqu'à hauteur d'écran pour nous infliger les rots convulsifs de leurs malaises gastriques à l'heure apaisante des digestions assises.

Chroniques de la haine ordinaire : La gloire

" Ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre ! "
Nombreux sont autour de nous les gens qui lâchent cette petite phrase en soupirant. Mais l’instant d’après, ils retournent vaquer à leur petite vie mesquine et n’y pensent plus. Or, si nous voulons vraiment la guerre il ne suffit pas de l’appeler de nos vœux en levant les yeux aux ciel d’un air impuissant.
Ne rêvons pas : la Troisième guerre mondiale n’aura pas lieu ces jours-ci. Alors, pourquoi n’organiserions-nous pas une guerre FRANCAISE, dans laquelle les forces en présence seraient toutes françaises? Et puisque la haine est le moteur de la guerre, apprenons à nous haïr entre nous. Ah ! certes, il est plus facile de haïr les Arabes ou les Anglais dont les mœurs incroyablement primitives ont de quoi révulser.
Mais chaque région de notre pays a ses rites et coutumes qui ne sont pas les mêmes que ceux de la région d’à côté. Ainsi, pour bien, nous haïr entre Français, nous devons tenter d’oublier ce qui nous unit, et mettre l’accent sur ce qui nous sépare.

Manuel et réquisitoire E. Charden

L’ossuaire de Douaumont est très joli. Il contient les restes de 300 000 jeunes gens. Si l’on mettait bout à bout tous les humérus et tous les fémurs de ces garçons et leurs 300 000 crânes par-dessus, on obtiendrait une ravissante barrière blanche de 2 476 kilomètres pour embellir le côté gauche de la route Moscou-Paris.
Le sacrifice des 300 000 morts de Douaumont n’a pas été vain. Sans Verdun, on n’aurait jamais abouti à l’armistice de 1918, grâce auquel l’Allemagne humiliée a pu se retrouver dans Hitler. Hitler sans lequel on n’aurait jamais eu l’idée, en 1945, de couper l’Europe en deux de façon assez subtile pour que la Troisième soit désormais inévitable.
Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis

Allons, boutonneuses et boutonneux, ne nous gaussons plus de la guerre de 39-45 sans laquelle l’humanité n’aurait jamais découvert le Zyclon B, le général de Gaulle, la bombe atomique et le bas nylon indémaillable sans lequel la jambe de la femme ne serait jamais qu’un vulgaire membre inférieur.
Réquisitoire contre Ariel Zeitoun (inédit)

Deux péronnelles à peine réglées - à en juger par le timbre juvénile de leur crécelle - jouaient à faire un débat sur le thème de la drôle de guerre : " Ah ben moi, disait l’une, qu’est-ce que j’en ai à foutre que ça soye les Allemands ou que ça soye les Français qui-z-ont gagné la guerre. Nous on est des jeunes et on a des problèmes des jeunes qui z’ont des problèmes ".
Boudin! Si c’étaient les Allemands qui l’avaient gagnée, celle-là, aujourd’hui tu serais peut-être au Vel d’hiv en train de regarder trépigner le fils Goebbels. Sur le plan artistique, c’est pas plus nul que Plastic Bertrand, d’accord, mais la différence c’est qu’aux galas nazis, si l’entrée est gratuite, c’est plus dur d’en sortir.

Réquisitoire contre Ariel Zeitoun (inédit)

Bien plus que le costume trois pièces ou la pince à vélo, c’est la torture qui permet de distinguer à coup sûr l’homme de la bête.

Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis

Comment espérer en l’homme? Peut-on attendre le moindre élan de solidarité fraternelle chez ce bipède égocentrique, gorgé de vinasse, rase-bitume et pousse-à-la-fiente?

Fonds de tiroir

Je recèle en moi des réserves d'ennui pratiquement inépuisables. Je suis capable de m'ennuyer pendant des heures sans me faire chier.

Fonds de tiroir

J'essaie de ne pas vivre en contradiction avec les idées que je ne défends pas.

Fonds de tiroir

L’élite de ce pays permet de faire et défaire les modes, suivant la maxime : " Je pense, donc tu suis. "

Fonds de tiroir

Pourquoi ? Pourquoi cette fausseté dans les rapports humains ? Pourquoi le mépris ? Pourquoi le dédain ? Où est Dieu ? Que fait la police ? Quand est-ce qu’on mange ?

Fonds de tiroir

Je manifeste toujours tout seul.
Au reste mes idées sont trop originales pour susciter l’adhésion des masses bêlantes ataviquement acquises aux promiscuités transpirantes et braillardes inhérentes à la vulgarité du régime démocratique imposé chez nous depuis deux siècles par la canaille régicide.

Textes de scène

" Jean Jaurès? C'est une rue, quoi ! ", me disait récemment l'étron bachelier d'une voisine, laquelle et son mari, par parenthèse, acceptent de coucher par terre chez eux les soirs où leur crétin souhaite trombiner sa copine de caleçon dans le lit conjugal.
Ceci expliquant cela: il n'y a qu'un "ah" de résignation entre défection et défécation.

Chroniques de la haine ordinaire

Je suis de jour en jour un peu plus consterné par l’incommensurabilité sidérale de l’inculture des jeunes.
Je connais un adolescent tellement inculte qu’il ne sait même pas se masturber. Il se doute confusément qu’il faut secouer quelque chose, mais il ne sait pas vraiment quoi… L’autre soir je l’ai surpris en train de se masser conjointement le triceps et le coaxo-brachial. Je lui ai dit :
- Vous avez froid, Christian ?
- Non, non, je me branle.

Textes de scène

Peut-on revendiquer comme un exploit d’être l’écrivain le plus doué dans cette génération post-soixante-huitarde de consternants tarés analphabétiques débordant d’inculture, que de soi-disant enseignants mongoloïdes, grabataires du cortex avant la quarantaine, continuent à mettre à l’abri du moindre effort de découverte pour ne pas leur perturber leur petit caca d’ego avec ou sans trique, et ne point épuiser leur frêle intelligence tendre chrysalide.

Vivons heureux en attendant la mort