Pourquoi je ne pense jamais à prendre ma carte orange six zones en fin de mois, et je me retrouve toujours comme un naze à suinter, à borborygmer dans la file d’attente de la gare de Chessy.
Résultat, je loupe mon RER et une énième occasion d’accoster, enfin, la belle danseuse du bus. Le train part au moment même où je pointe mon long nez, pointu. Benêt. La Belle s’enraille au loin. Je suis comme un con.
La brunette aspirante de vendredi soir est là, sur le quai, l’air paumé aussi. Je l’accoste avec entrain et une certaine fougue théâtrale. Je me sens bien, en fin de compte. Mon " équilibre " passionnel (Marjorie) me permet d’envisager les contacts avec plénitude. Petite brune, tu vas m’écouter parler durant tout ton trajet. Tu risques d’être agréablement séduite.
Elle est bien plaisante, avec sa grande bouche élastique, je la revois embrassant son ami ; jeune étudiant à Versailles, traversant tout Paris pour la câliner quelques minutes sur un banc de bois. Elle a aussi de grands yeux amandes bruns… je ne la regarde pas trop dans les yeux, doux comme le regard d’une Wynona Rider, ou la belle Héloïse de la crémaillère de Régis…

Je suis en retard, mais en grande forme dialecticienne, et absurde comme de bien entendu. Évidemment, la correspondance à Val de Fontenay foire, et je dois attendre le prochain. Putain.

Mirifique surprise dans ma boîte mail, un mail de Chloé Delaume… que j’avais découvert ce matin, chez moi, mais que je n’avais pas pu lire (caca, douche, fringues, partir).
J’imagine très bien la teneur de son discours, envenimé et enivrant. C’est mon côté " midinette ", les caractérielles ont ma préférence.
Elle est remontée la petite, comme la vague légère de sa lèvre supérieure, vue sur des photos sur le Net. Comme un accent circonflexe. Je pense qu’il n’y a qu’en français qu’il y ait des accents circonflexes, et que les Françaises aux lèvres circonflexes sont les plus belles.

Elle ne dit rien que je n’attendais. Elle me fait tout de même réfléchir. Cette petite mignonne.
Une sorte de Xéna tonitruante, nourrie au Xanax (le palindrome qu’elle m’apprend), elle est plus que jubilatoire.
Je lui réponds, comme toujours, avec tendresse et humour, non, Chloé ?

On échange de jolis mails, elle est la fille rigolote et timbrée que je ressentais : sa colère ne me touche pas, son humour et sa douceur, beaucoup plus, que ça même.

Et je suis même très content qu’elle ne participe pas à Bordel. Cela n’empêchant en rien que l’on devienne amis, bien au contraire.

Je reçois aussi le texte de Jérôme Attal, velouté et " suranné " comme un souvenir Truffautien, avec la voix de Charles Denner en narration. Joliment, très joliment " suranné ".
Son enthousiasme, réconfortant, donne un sentiment étrange à mon estomac ébranlé par le message de Chloé.

Les revues me font chier, j’en ai feuilleté quelques-unes dans les libraires, ennuyeux, pédant, prout… Il y a certainement des milliers de revues qui pérorent, vaticinent, travaillent sur la langue ; moi je pense, simplement, que l’auteur n’a nul besoin d’écoles ou d’ateliers, encore moins de dogmes, pour écrire. C’est bêta, mais c’est comme ça.