Mardi 6 novembre :

En général, lorsque l'on me pose la question sur mes choix, mes goûts, mes aspirations littéraires, je réponds en disant que je suis plutôt un contemporain, un "vingtièmiste". De Péguy aux Hussards. Et jusqu'aux types de NRV, avec une prédilection pour Beigbeder et Moix (qui ne fut pas un NRV labellisé).
Mais je viens de réagir, un peu tardivement, bêtement même, que ces écrivains, Drieu, Vailland, Nimier, Frank sont des écrivains du siècle dernier.
Je ne suis plus un lecteur de littérature moderne. Ce sont des livres du siècle terminé.
J'aurais pu m'en rendre compte avant, déjà par le livre de FB, son inventaire de fin de siècle. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que je réalise que je suis un "spécialiste" de la littérature du siècle passé. Le XXe.
Le nouveau est bien récent pour que Beigbeder et Moix soient relayés dans l'histoire littéraire d'un siècle dépassé. Ils écrivent aujourd'hui. Tout comme Neuhoff, Jauffret et les autres.
Mais ma bibliothèque qui était, il y a un an, à 80 % contemporaine est devenue celle d'hier. Celle d'une autre époque.
Qu'écrivait-on au siècle dernier ? "À la recherche du temps perdu", "L'homme couvert de femmes", "Beau Masque", "Les épées"… Et déjà Proust et Drieu étaient nés au XIXe !
Tout comme Beigbeder et Moix sont nés au XXe. Il est vrai qu'il serait difficile de trouver un écrivain né au XXIe. La précocité est de mise, mais un an, enfin onze mois, ce n'est pas le temps d'une grossesse !
Encore pour un peu de temps, nos contemporains seront des écrivains du siècle précédent. Comme Barrès, Proust, Péguy le furent au début du XXe. Puis, ceux nés à l'aurore du siècle arrivèrent au premier quart de celui-ci et imposèrent leurs révoltes, les Surréalistes des années 20, et surtout les non conformistes des années 30. Puis vinrent les nostalgiques des années 50.
Déjà les années 60 pointent et la naissance des pré-mandarins d'aujourd'hui, Beigbeder (65), Moix (68). Duteurtre, Neuhoff, des quarantenaires. Comme Houellebecq, comme le nouveau prix Goncourt, entre 40 et 50 ans.
"Robby" (Robbe-Grillet) et ses 80 ans fait désormais parti de l'Histoire classique. Il rejoint Hugo, Balzac, Flaubert, Mauriac. Il est cuit.
J'ai eu un quart de siècle au moment où le siècle bouclait son dernier quart. Un nouveau quart démarre avec ce nouveau siècle. À 25 ans, je suis passé de la modernité au passé, dans le domaine de mes préférences littéraires. Tout d'un coup, l'Histoire, l'ordre du temps rappelle ses impératifs. Nous sommes placés sur cette linéarité du temps, sur cette flèche qui indique que l'on avance. Que les choses d'aujourd'hui, de la contemporanéité, un jour défini deviennent des choses du passé, du domaine de l'étude historique et non plus du regard journalistique, c'est-à-dire de l'actualité.
"C'était au siècle précédent", Brest Easton Ellis, écrivain de la fin du XXe. C'est une drôle de sensation.