Une poupée qui dit " non ", une tête qui dodeline de droite à gauche, de petits seins mauves, une fille qui somnole, je m’assieds toujours là où je ne veux pas.
Je me dis pourquoi je suis comme ça, pourquoi que ça gigote plus dans ma caboche que dans ce monde, un monde où les petits cochons disparaissent, ne reviennent pas de leur promenade.
Elle balance, sa nuque en pivot, ses cheveux tirés loin derrière, concassés contre le fauteuil, bien lissés, bien démêlés ; j’imagine que je suis projeté près d’elle, et que le tic-tac perpétuel s’arrête net en se nichant au creux de mon épaule caoutchouteuse.
Ses jambes sont des muscles tendres ; galbées comme disent les revues spécialistes. Ses jambes suivent les courbes des cours de danse, c’est une scénographie, mathématique, ai-je déjà dit. Nichée au creux de moi, je remets ses jambes en ordre. Le meilleur angle possible.
Mauve, violet, rose, rose Tiepolo comme le bleue est IKB, colombin, ma colombine, gorge-de-pigeon, ma roucoule, lilas, ma Lolita, saumon comme un chat, pourpre telle la tunique de Nessus, zinzolin d’Ali Baba, mon sésame… C’est ma fresque violine. Ses petits seins mauves…
Ses petits seins gorge-de-pigeon ; on qualifie une poitrine haute et rebondie de " pigeonnant ", je ne suis pas dupe.

Je roule en roucoulade, je me fais mon cinéma, muet, unicolore. Mon film ne parle pas car il parle à tous, il est mauve, il ne peut être d’une autre couleur. C’est un film sans mot mauve. Je sais pas quoi ça peut ressembler, dès qu’on dit mauve, violet, pourpre rougeoyant, on pense à David Lynch. Une petite Lynchette de " Blue Velvet ", vous voyez " Velvet " ? C’est dire !

Tiens, dans le rose, il y a aussi le rose cochon, pour rester avec la thématique d’hier. Rose bonbon, évidemment. Un roudoudou, la chanson sur les mistrals gagnants de Renaud, des bonbons, que l’on s’achète en piquant quelques pièces dans le porte-monnaie de maman, ou de mémé. Il faut prendre une chaise, car le bougre est drôlement haut, sur le frigidaire. Et je suis bien petit. Tagada soin soin.
Des fraises, petites fraises sur ses petits seins mauves. C’est un conte des frères Grimm. Je suis le petit Hans de myrtilles, cerises, framboises de ses petits seins mauves.

Pie qui se jette sur tout qui rougeoie. Je ne chante pas beaucoup ; ou alors de vieux tubes de Michel Delpech, Jean-Paul m’a passé un double cd. C’est plus facile de siffloter des trucs dans sa langue. De sa langue, aussi.

Langue, rose, petite langue rose, caresse linguale, muscle tendre, tout rose, violet, qui se dodeline de droite à gauche, qui te dit " non " dans sa grotte. Sa langue divine sur ma fresque violine. Orage orange, ciel crépusculaire et rougeoyant. Foudre linguale fendeuse de pourpre. Pourprefendeuse. Elle dodeline " non ".
C’est une poupée qui dodeline " non " de sa tête, et même de sa langue. Oui.