Je suis un sale type. Je suis méchant. Je ne suis pas fier de moi. Je sens que je vais le payer. J’en étais sûr. J’ai eu l’intuition toute la journée. Je le savais, ça allait coincer. Quelque chose me le soufflait.
Ce qui me fait flipper, c’est que toute mauvaise action se paie. J’ai été méchant, parfois, avec les cons du lycée par exemple, mais là, c’était de mauvaises personnes, de vils êtres humains. Je n’étais pas réellement méchant, j’étais justicier, j’étais bon en quelque sorte. Si le bon est l’inverse du méchant. Ça reste à prouver.

Là, je suis mauvais avec une jeune personne qui ne m’a jamais nui, qui n’a jamais nui à quiconque à priori.
Je sors de ma douche, serviette bleue, grande, très grande, pour aller à la plage, " je t’aime ", n’est-ce pas circonflexe, entourée autour de ma taille et de ma bouée petit canard à la mayonnaise. Je me connecte, pas de messages. Je chantonne, Cyril ne devrait pas tarder. Je sursaute, le petit bonhomme est gentiment installé dans le creux du canapé. Tranquillement. Il y a longtemps que tu es là. Ouais, tu prenais ta douche. Merde, j’ai rien entendu, je regardais mes mails.
On a rendez-vous à 20h30 avec Marjorie, Momo et leurs amis. Je ne crois pas qu’il y aura Isabelle, ta promise. Elle a pété un plomb, viré son amie de chez elle. Une crise d’angoisse. Je suis super étonné, on ne vire pas une amie comme ça, sur deux jours, je suis étonné, elle avait une si douce et sensible voix. Un petit être inoffensif. Elle est seule. Sa copine se pointe, rencard avec écrivain médiatique, deuxième place sur le podium Figaro, et puis, jeune homme extravagant et brillant l’appelle pour sa copine, encore. Elle, seule. Sa copine, timbrée, enchaîne les rencontres intéressantes. La tambouille mijote dans le ciboulot et déborde sur la gazinière. Allez casse-toi ! Je veux être seule, je suis malheureuse.
Tout le monde n’a pas des livres à lire ou des bêtises à écrire pour ne pas déborder.

Marjorie déménage, direction cousin dans le 5e. C’est cool, elle voulait revoir le 5e. C’est fait. Un bien pour un mal. Un mal pour un bien, ça marche aussi, sûrement.
On est parti. Cyril repasse chez lui, pantalon blanc, bisous à NessNess, petite fourrure qui dormait dans sa paille.
Paris, nous voilà. Pour la première fois de ma vie, je suis, nous sommes, sur l’île Saint-Louis. On s’est un peu paumé. Pas tant que ça. Marjorie m’appelle, elle, Saint-Michel. Rendez-vous avec Momo à Odéon. Ok. C’est parti, avec Cissou.
On tournera de 20h45 à 22h15, on aura vu le théâtre de l’Odéon des dizaines de fois. Cyril a une tactique très à lui pour trouver une place. On n’en trouve pas !
Énervé, on se casse. Énervés. Pas très fier, super mal dans ma peau, j’envoie un texto lâche : vnr, on lâche l’affaire, désolé. On le paiera, Cyril.
Je viens de rendre malheureuse une jeune fille. Je badtripe tout le retour, qui se passe en une vitesse éclair.

Arrêt, il est super tôt, je pense à Marjorie dégoûtée, encore… Et son copain vénère, c’est un salaud, je vais lui péter la gueule.
Cyril se bain-marie un hachis Parmentier. C’est injuste, ce gâchis. Je bouffe, sans vie, des cacahuètes, et buvant une bière du Mutant.

Il veut aller aux Sources ; tu ne rentreras pas, je le sens. Cyril ne rentrera pas. Nous attendons devant l’entrée. J’ai pas envie d’y aller, mais encore moins de me faire humilier par ces types. Un débile brontozaure, ami de Rodolphe, qui bizarrement suit un chemin inverse, il s’acoquine de débiles, alors qu’adolescent, il était super exigeant dans ses amitiés, étrange, nous dit qu’il ne peut pas, et moi oui.
Quel endroit de merde, oser dire à un client, tu rentres, mais pas ton ami. Je prends Cyril, parti en négociations, par le bras, viens on rentre chez moi, on matera le film de cul. Tu voulais que je te l’enregistre. C’est endroit est naze, confiez la gérance à ce crétin ! Faut-il être inconscient pour donner à ce Michel Blanc niais une telle responsabilité, putain, il pue le non-charisme à cent kilomètres. Marre de ces médiocres.

C’est con, car l’endroit est charmant, on connaît toutes les serveuses, tous les clients, j’aime beaucoup Corinne et André, les patrons et je pensais y faire une soirée pour la revue. Mais avec de tels mous du bulbe, que dalle. Basta.

00h45, on est tout fou devant une Allemande aux big loches. Alain Payet fait des films paillards, à la bonne franquette, avec des miches et des loches du terroir, des joyeuses, c’est agréable.

Putain de mauvaise soirée. J’ai été méchant. Cyril a reçu une giffle. On mate un chouette film de boules, pour finir une soirée, à l’heure, où d’habitude, on démarre la nuit.

Pardon, Marjorie.