Mardi 8 janvier :

Oh quelle belle journée ! Quelle belle journée !
Pourtant je ne suis pas au " 80 rue des Martyrs " mais au " 68 rue Pierre Charron ", au " Milliardaire ".
Accompagné de la rigolote Malaurie (je crois qu’il n’y a pas de " e ", pas très grave), nous assistons à l’enregistrement du BBD’Show. L’affiche est savoureuse, Albert Cossery et Kadaré. Un Égyptien et un Albanais. Un aphone et un " qui parle approximativement ". Pour une émission de conversations, ça va être " mythique ".
Honteux, " Cossery " n’était pas dans le dictionnaire de Word, il le souligne en rouge depuis le début. Je l’ajoute !
Tout est rouge dans le décor crépusculaire du cabaret, rouge et noir, sans lumière et sans chauffage d’ailleurs. On poirote une heure à l’étage, le mec de la boîte de prod est bien chaleureux. Malaurie et moi avons trouvé refuge dans un coin sombre où reposait une banquette abandonnée. Mais très vite, la petite place qui restait et la chaleur qui monte du sous-sol chauffé pour l’émission attirent des prétendants à notre compagnie.
Puis, vient le moment de descendre prendre place. À cette étape, nous pouvons très bien être séparés pour des raisons d’harmonie chromatique. Mais non, nous sommes placés ensemble près du prompteur. Là où se tient l’écrivain qui doit lire un extrait de son propre livre. Un calvaire pour un auteur. Se lire est affreux.
Mais avec un Cossery sans cordes vocales et un Kadaré baragouinant de l’albano-français, le principe tombe à l’eau. Mais FB est un génie de l’invention. Il y a deux lecteurs pour Cossery, Michel Piccoli et Richard Bohringer (que j’ajoute également à mon dico de " merde ").
Sauvés, nous sommes sauvés et par de merveilleuses personnalités. Bohringer joue le jeu et se lève lire au prompteur, mais Piccoli reste assis et lit sur un ouvrage.
Plus tard, entre deux enregistrements, je rencontre le sympathique Lucas que j’avais rencontré lors d’une soirée avec MH. Il est resté très proche des amis de Houellebecq tandis que pour ma part j’en suis interdit. Il me dit que Bohringer vociférait, en coulisse, sur le principe de lire un prompteur. Toujours aussi aimable et satisfait le petit Richard, qui fut avant d’être un passionné de boxe, un excellent scénariste ( " La punition " et " Beau Masque " tous deux en 72).
Pendant la pause, nous sommes de nouveau parqués dans le hall, à l’étage, dans le froid et l’obscurité. Je rencontre Nicolas Rey, un écrivain que j’adore, nous nous voyons une fois l’an. Mais bon, c’est toujours sympathique de discuter un peu, nous nous promettons de nous revoir, de faire une bouffe ensemble, avec YM aussi. Il vient pour défendre Djian. Moi, j’ai découvert Djian par Stéphane Eicher. C’est pas glorieux mais c’est ainsi. Puis, j’ai connu l’auteur qui a permis, à sa mesure, l’éclosion de la génération " NRV ", FB, YM, Nicolas Rey, Jaenada et RC (je lui demanderai).
Nous sommes plus proche encore qu’à la première émission. Lucas devait être près de nous, mais il est changé de place, pour l’harmonie ? pour l’alternance homme-femme ? Je ne sais pas.
Je crois apercevoir la silhouette de Yann dans la salle privée alors que je guettais une apparition de la sensuelle Estelle Dessange. Je suis plus convaincu par ses wonderbras ou ses robes découvrantes que par ses lectures. Son passage reste néanmoins un moment agréable. Mais j’ai dû voir trop de ses films, des images interfèrent à mon écoute courtoise.
Lors de l’émission de Cossery et Kadaré, une jeune femme était montée sur scène dégueuler un " poème " incompréhensible où elle avalait du sperme. C’est une nouveauté, des " slameurs ". À l’annonce d’un slam, je m’imaginais devoir me lever, tendre les bras vers la scène pour accueillir le saut de la jeune femme qui devait au moins mesurer 1m90. J’imaginais, sur scène, FB headbanguer comme un fou tandis que Kadaré et Cossery pogotaient à la " NY’style ".
Mais non, un slam est un poème lu dans des bars. Ok. La vie est de moins en moins rock’nd roll !
Par contre le deuxième slam était plus attrayant, une jeune femme blonde à forte poitrine (de la vraie, ça gigotait à la naturelle, " fabrication française ") nous récita, nous interpréta un joli texte sur la futilité des apparences, le sujet étant les " barbies ". Étonnant, non ?
J’oublie certainement plein de détails, la jeune femme aux yeux translucides qui me faisait de captivants sourires, les mecs de l’installation qui s’engueulaient pour un bout de scotch (et oui, la télé tient par un bout de scotch), le lecteur malgré lui qui ne passa même pas à l’antenne, les messes basses de JB à propos d’une nouvelle émission sur Matchtv, des détails croustillants entendus ici et là.
Mais l’essentiel reste la morale de Cossery : Une ligne par jour ! Et pas de la coke !
FB devrait prendre modèle ! (rires)