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mai, mon grand-père défile de commune en commune, pour
finir par un gras repas entre vieux combattants, soit communistes, soit
frontistes. Ça rigole pas chez les fantassins, les artilleurs,
les marins, les légionnaires. Mais ça mange. Ça
boit aussi. Ça prend des médicaments surtout.
Je
débarque tard en ce jour de bon repos. Je tombe sur un documentaire
sur les supporters de la finale du 12 juillet 1998. Je mange mon immonde
assiette de patates surgelées avec de la mayonnaise les larmes
aux yeux, coulant le long de ma joue droite. C'est fou, de voir, de
revoir la joie, le stress, d'entendre la voix, les cris, les chants,
c'est plus fort que moi, je chiolle.
Le sport seul permet cet état ultime d'hystérie et d'hébétude
; quelque chose de profondément humain se libère complètement.
Nulle part ailleurs un tel sentiment d'union, de libération.
Les gens perdaient totalement le contrôle de leurs émotions
; ni un tableau, ni un film peut toucher à ce point ultime où
physiquement les impulsions instinctives sont les plus fortes et poussent
l'individu à la réunion avec les autres.
Le besoin de partager, de chanter, de crier, de se toucher, de danser,
de marcher ensemble…L'ultime humanité. Dans de tel moment,
l'hystérie est collégiale, l'hystérie est jubilatoire,
libératoire, intense, orgasmique. Orgasmique sans connotation
sexuelle, un orgasme spirituel et primaire.
En ce jour, j'étais avec Pascal, nous avions suivi la finale
dans un bar de Pigalle, je crois. On était ensuite partis vers
les Champs, pour voir. On était pas dedans, nous. Mais ce soir-là,
j'ai vu des gens, loin des "black, blanc, beur", rien à
foutre du taux de mélanine des joueurs, qu'est-ce que j'en avais
à foutre que Zidane ait des aïeux nés en Algérie
ou que Petit soit un rouquin odorant !
Parce que le petit Zidane, flamboyant lors de la finale, s'il était
né à Alger au lieu de Marseille, vu son charisme d'autiste
profond, aurait fini gardien nuit dans des entrepôts du port d'Alger.
Alors que né en France, dans un pays où on apprend avant
tout, que ce soit en sport ou dans d'autres domaines, Zidane doué
a pu être doué. C'est parce qu'il est français qu'il
est bon, ses grands-parents berbères n'y sont pour rien.
C'est la France qui a gagné ce soir-là. En défilant
dans la rue, en communiant le drapeau d'une nation, les fils de Valmy
rennaissaient le temps d'un instant.
Un instant seulement, car très vite, les communautés,
les racismes des ligues anti-racismes firent basculer le bonheur dans
leur dialectique "les étrangers ont fait gagner la France".
Quels étrangers ? Ok, y a des noirs et alors ? Ils sont français,
jouent en français, pensent capitalistes, rien d'africain là-dedans.
Ils ont rien compris en confisquant la victoire d'un peuple pour le
segmenter en tribus. Qu'est-ce que ça peut faire que les grands-parents
d'un tel couraient dans la brousse ? Les ancêtres de Deschamps
enculaient certainement leurs bestiaux en les menant aux pâturages.
Et ?
Attiser les haines sous couvert de "bons sentiments", je hais,
car moi je ne prône aucun angélisme, je hais, dis-je, ces
salauds, j'exècre ces fumiers.
Du
foot, je vais en bouffer toute la soirée, sur F3 et puis sur
C+.
Je lis le journal, découvre le nouveau gouvernement. Je regarde
si mon petit protégé, Jean-François Copé,
a un poste. Il hérite d'un secrétariat d'Etat et du rôle
de porte parole du gouvernement.
Par contre le gros Jacob, maire-député de Provins, conseiller
ès agricole de l'Élysée, n'a rien. À vrai
dire, ce n'est pas surprenant, il manque terriblement de classe, voire
d'intelligence.
Un bon gouvernement en potentiel. Reste à voir.
Je lis un article qui me cloue sur la mort de Pim. Les journalistes
sont des cons.
À la mort de Pim "Machin", les journaux titraient le
mort du leader d'extrême-droite, "Extrême-droite"
disaient-ils en chœur, à la télé, dans les
journaux, sur nos radios.
Mais face à la réaction populaire des Hollandais dans
l'ensemble du pays, de toutes classes, les journalistes intègres
et déontologiques dénomment Pim comme chef du parti "populiste".
Excellent renversement, l'immonde facho de lundi matin est devenu en
une journée un homme politique "controversé"
soit mais sans plus.
Les journalistes sont vraiment des limaces dégoûtantes.
On lit des déclarations de Pim hallucinantes de similitudes avec
celles des "fascistes et nazis français" mais le ton
éditorial est bien différent et clément. Quel beau
métier celui de journaliste !
Indépendant et rigoureux !
F3,
match Feyernoord Rotterdam contre Borussia Dormund. Une minute de silence
et tous les joueurs ont un brassard noir en hommage au populiste Pim
"Truc".
Excellent, délicieux. Les commentateurs évoquent Pim comme
un homme politique aux propos discutés et discutables certes
mais très aimé des gens.
Le match est somptueux, l'ambiance est phénoménal dans
ce stade lumineux et incandescent où Allemands et Hollandais
vibrent de toute leur graisse.
C+, ultime match à Old Trafford. Arsenal s'impose et devient
champion. Le stade n'a pas cessé de chanter. Pourtant c'est le
stade de l'opposant premier qui voit le titre s'échapper sur
sa pelouse. Mais la communion est telle que l'on ne peut s'auto-flageller.
Il n'y a pas de clans dans le football anglo-saxon, on supporte une
équipe, un maillot, un esprit.
C'est étrange que dans le pays de la centralisation, du jacobinisme,
l'esprit de concorde n'existe pas dans les mentalités populaires.
Tout est centralisé, conforme sauf l'état d'esprit, héritage
de nos temps féodaux et provinciaux certainement. Le bon sens
paysan quoi.
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