Fatalement, délicieusement, aujourd'hui comme hier, je me réveille devant "Notting Hill". J'adore ce film, enfin, je suis captivé, capté par l'histoire mièvre du truc.
Pourquoi je reste béat et béant devant ce film, bien loin de mes goûts habituels.
a) En raison de la chemise rose Tiepolo de Hugh Grant (en sachant que sur ma table basse vous trouverez un livre de photos de Patrick Swirc, le dernier Tech et un livre sur Tiepolo).
b) En raison du sourire idyllique de Julia Roberts, et de sa grâce chimérique.
c) En raison de "She" de Charles Aznavour chantée par Elvis Costello.

Certainement un peu des trois et plus ; genre le colocataire en slup, en tenue de plongée, mangeant de la mayonnaise…

Bref, hier comme aujourd'hui, j'ai débuté la journée en matant "Notting Hill", finirais-je comme hier soir avec le "Samouraï" et Jef Costello ?
Non Jef t'es pas tout seul. L'homme au chapeau, le film au chapeau, le film à la cage d'oiseau et à la musique de François de Roubaix. Chapeau. Chapi-chapo même.
Journée qui se finit en Melville, en noir obscur, en désabusements et enchantements.
Le "Cercle rouge" commence la nuit noire consacrée à Jean-Pierre Grumbach, nom de résistant gaulliste, "Melville", en hommage à Herman et à son Moby Dick.
La soirée est introduite par deux lascars cinéphiles ; parlent de son impact sur la Nouvelle vague (son rôle d'écrivain ricain dans "À bout de souffle" de Godard), de son influence sur Scorsese, John Woo, Tarantino.
Oui, il y a du "Cercle rouge" dans les premiers opus criminels de John Woo (85-86), "Syndicat du crime 1 et 2" ; la scène de la tuerie du jardin, dans l'amitié des tueurs, morts bien avant d'avoir reçu la dernière balle. Tous morts bien avant mourir tels sont les héros chez Melville, chez Woo aussi.
Costards classieux, sens de l'honneur, esthétique du gangster noble, tout un attirail repris par Tarantino et par sa meute de tueurs psychopathes et paranos.
Que dire de "L'armée des ombres" de l'excellent roman de Kessel ? Un putain de bon film, un pur moment de malheur, un récit fantomatique, une errance sans espoir , un truc bien glauque à la "Jancso". Mieux que Jancso, sans vouloir comparer.
Désespoir orchestré et accompagné par la magistrale composition d'Eric de Marsan.
"Bonne journée camarade.
- Vous êtes communiste ?
- Non, mais on peut avoir des camarades sans être communiste"
Un truc du genre, une replique de Lino Ventura à un petit gars communiste. Le meilleur film, certainement le seul, sur la résistance d'alors.
Après la plongée dans le monde du silence, du non-dit, de la trahison, de l'honneur, du sacrifice et du supplice, le "chef-d'œuvre" de Melville, le "Samouraï".
Les lascars cinéphiliques oublient de mentionner l'excellente redite de Jarmusch, "Ghost dog", son alter moderne, rap et poètique.
Comme toujours chez Melville, une citation en exergue, ici une fausse, un faux aphorisme du Bushido, le code des Samouraï : "II n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n'est celle du tigre dans la jungle, peut-être..."
Me voilà, encore une fois, en compagnie de Jef Costello, dans sa chambre, seul, avec son bouvreuil (qui crama avec les décors des studios rue Jenner lors du tournage).
L'ascèse du tueur, la richesse du silence, il y a tout dans cette chambre vide où seuls retentissent les piaillements de l'oiseau. Seul au monde, seul contre tous et ce "son" de l'extérieur, ces petits sons des gens, de la foule, du monde. Essayez de vous isoler au sein d'une foule et vous entendrez ce petit son continu, comme les piaillements de l'oiseau en cage.
En cage, Jef Costello n'a que son éthique, son code de valeurs dont il est le seul décideur. L'ultime liberté dans l'ultime solitude. Une seule échappatoire, la mort.