Vendredi 10 août :
Il y a des jours comme ça où rien
ne s'arrange mais où tout s'éclaire.
Une semaine passée entortillé dans ma couette, qui commence à
le sentir, devant la télé.
Sans rien faire, ni lire, ni écrire, pas d'envies, pas de regrets. Tranquille,
patient. Je mate des films, des vieux, des classiques, mais aussi des plus fun.
Je viens de me remettre Doberman de Kounen, pour le plaisir des oreilles, six
enceintes pour les crispations sonores.
Premier geste au réveil, vers midi, vu
que j'ai tenté de suivre le SNL, voire le film de cul de Cinéma
(en ce moment Pyramide 1 et 2, Pierre Woodman), je file relever mon courrier,
dans l'espoir de recevoir une petite carte perdue.
En général, des prélèvements refusés par
ma conne de banque, le CL. Quelle conne ma nouvelle gérante de compte
! Une jeune qui ne connaît rien au boulot à part son cahier des
charges, pas d'arrangements avec elle. A peine plus vieille que moi, presque
attirante mais un regard de hyène. Envie de la gifler, la petite Sonia.
Ma boîte est pleine, une lettre de l'assemblée,
de mon député, des conneries payées sur ses fonds de représentant
de la nation, une carte de Malorie, l'amie de Judi cosignée par Julie,
une petite du théâtre de Coulommiers, un jeu très juste,
une enveloppe épaisse, une plus grande.
Je savais que je recevrais un livre de Sophie, qu'elle avait commandé
sur FNAC.com suite à notre discussion sur la manipulation des "foules",
et Valérie m'avait demandé mon adresse, donc, certainement pour
un envoi.
La grosse est la commande de Sophie, le livre de Gustave Le Bon, bien emballé
par la FNAC, avec une dédicace charmante, "Pour Fanou l'un de mes
meilleurs amis, Phiso".
L'enveloppe épaisse est un livre envoyé par Valérie, "Premier
amour" de Beckett.
C'est un livre qu'elle me conseillait depuis longtemps, ni mon découvert,
ni ma réclusion Touquinoise me permettaient d'en faire l'acquisition.
Elle avait donc pris le soin de me le faire parvenir, un geste charmant.
Cette collégialité d'amitiés
me fit grand bonheur, une sorte de fusion mystique, ceci était écrit
là-haut que le 10 août était une journée d'amitié.
Dans la journée, Cédric dont je
n'avais plus de nouvelles depuis avril et son incorporation dans la gendarmerie,
me joins par téléphone.
C'est un être vraiment bien, je pensais que nous (Judi et moi) l'avions
déçu. On a souvent squatté chez lui, dans son immense appartement
bordélique où les bouteilles petit à petit colonisaient
l'ensemble du lino vert, vert bouteille.
Des Jack Daniels achetés chez les petits rebeus, les concours de Tekken
3, les branlettes mentales sur les filles du coin, des filles que l'on baise
jamais. Tellement qu'on est bien.
Bien entre nous, bien pour elles, trop bien pour elles.
Puis, au moment de son départ, on s'est un peu, beaucoup, perdu de vue.
Chacun névrosait dans son coin.
Cédric m'appelle donc, au moment même où je finissais la
page 56 des "éditions de minuit" du livre de Beckett. Livre
que j'ai récité plus que lu. A haute voix comme les grands livres,
les bons livres sont courts et se lisent à haute voix.
En soirée, Laurent, mon pote pêcheur
m'appelle également et passe manger avec moi, une bien charmante journée
qui continue.
Valérie m'avait annoncé la magie
de ce livre, du bonheur qu'il allait me procurer. Elle ne s'est pas trompée,
l'amie divine.
Notre amitié est mêlée de réalité et d'imaginaire.
Je ne l'ai vu qu'une seule fois, au SDL.
Notre amitié ne s'assied pas sur une connaissance sensible, sensitive,
sur des échanges de voix, de rires, de grimaces, de sensations. Je ne
sais rien de sa matérialité.
Je la revois tel que je l'ai vu la première fois dans les allées
du salon, en fait, c'est le ticheurte que je visualise le mieux, l'inscription
surtout, "Quark".
Amie réelle et amie imaginaire, entre la réalité et le
rêve. C'est une situation unique.
Surpassant les pièges du physique, de
la matière, une relation d'une amitié sincère est née.
Il y a une vraie complicité d'âme. Un sentiment de confiance qui
dépasse les contingents de rapprochement, de l'ami-prochain dans le sens
de "proche".
"Tu es proche de moi, tu es mon ami" est pulvérisé dans
sa sensibilité, pour être du domaine du sens. Homère dans
l'Iliade écrit "Qui se ressemble, s'assemble".
Plus loin que l'appartenance à un clan, que ce soit géographique
(tu es de mon village), ou culturel (tu aimes ce que j'aime), notre amitié
ne vient de rien. Dans le sens qu'elle fuse dans toutes les directions possibles.