Le portable est une drogue. J’entends ici l’ordinateur Dell puissance 4 que je trimballe dans ma sacoche depuis lundi. J’ai toujours envie de trifouiller un dossier, écrire une merde, mater un DVD. Sébastien doit me passer " Mulholland Drive ". Je ne vais plus au cinéma depuis bien longtemps. Je suis une " merde " de village, n’est-ce pas Erik Arnaud ?

Lundi 10 février, R.I.P Max Pecas.
" Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu", "Deux enfoirés à Saint-Tropez "… J’espère que Yann dédiera un peu son film à ce génie !
Aujourd’hui, cet enculé de Toscan du Plantier dans l’anus a décidé de clamser, ce qui aurait pu me rendre joyeux, un peu, mais non, ce connard crève en même temps que le mythique Pecas. Et les vermisseaux de mon 16/9e panglosent à gerber sur ce sale bonhomme !
Rage.

Nous sommes mardi, et j’ai revu la belle inconnue du bus et du RER. Elle a ouvert ses yeux à l’arrêt de Touquin, précédé par une coiffeuse filiforme et teintée, souriant, j’ai dit " salut ". Grand sourire, lui aurais-je aussi manqué ?, puis fermeture des petites perles de bonheur. Je n’étais pas assis bien loin, près de ma brindille, je n’osais pas parler trop fort. Au RER, je suis ma mignonnette coiffeuse, je ne pense qu’à elle. En tête la musique de Matrix, n°4 sur l’album, celle de cette version doublement vu du " Misanthrope ", celle qui me fait m’envoler assis tout près d’une fille à petits nichons, petit cul et petite tête. Moi, petite bite. Je pense à ce " crapaud " de Marjo, je me dis quelle conne, quelle petite conne, est-ce elle qui était sur la terrasse avec Thomas, a-t-elle mis sa langue, si assassine, dans la bouche de mon doux ami, petite conne. Je n’arrive pas à te haïr. Je pense même te déposer un A.R.I un matin sur ton bureau, premier à gauche au premier étage de l'agence. Allez-y mes amis, régalez-moi de vos surprises. La fille descend à Val d’Europe, je descends aussi. Pour remonter au wagon prochain, là où se trouve la belle danseuse trop connue désormais. Je prends un strapontin dans son dos. Je ne veux pas qu’elle me voie. Je lis, le livre de Martin, récit doux-absurde, très joliment triste, délicieusement nostalgique. Je débute la lecture, et je suis agréablement surpris de trouver une histoire si douce, aigre, rigolote, bien triste en sorte. Elle aussi me quitte, je sens son regard sombre sur moi. Elle est belle debout. Prééminence de la danseuse sur la bêcheuse commune. Je replonge dans le bouquin. Je me dis, merde jeudi tu ne prendras pas le train, tu seras déjà à Paris, on peut pas dire que tu lui bouffes l’oxygène à celle-ci. Des mois à l’observer. Je ne veux pas l’accoster comme ça, je veux être un mec bien avant. Je ne le suis pas. Je n’ai rien fait de Bien.

La matinée est glauque. Le temps est un enfer en bocal. Je regarde mes messages, mais je n’ai plus la fougue épistolaire, j’aimerais me faire tout petit.
Je dois déjeuner avec Alexandra, une amie de Thomas, qui m’a fait part d’une nouvelle fort joliment écrite. Je suis bien une midinette avec mes " joliment ", joliment-menteur va ! j’aime bien son texte car il m’a donné envie d’écouter " Marilou " de Gainsbourg. Et pis, j’adore les ruptures amoureuses et l’auto apitoiement qui en découle.
13h, dans le petit resto où j’ai déjeuné avec Marjolaine, la première fois, puis avec PEB et Laurence, et Jérôme, Philippe et Pascal.
J’y suis. Les deux pépés me saluent tel un habitué, c’est le cas également avec le serveur de Renato à République. J’ai une tête qui plait aux gens, à défaut de plaire à " elle ". Elle arrive, encore une jolie fille. J’imaginais une brune sèche, c’est une rousse généreuse, jovialement installée devant moi. En discutant j’apprends que c’est la jolie fille de la soirée de Pascal chez Raf dont Laurence était devenu fou-tendre-relou épris. Je me souviens d’elle, du lieu, dans la grande cuisine, de nos discussions, sur le livre de Thomas, que je ne connaissais pas alors, de Laurence planté à l’arrêt sur ses grands yeux en lac diaphane, sur ses seins tendres en col roulé noir. La fin ne fut pas à la hauteur du reste du temps passé ensemble. Je pérore sur une époque révolue, celle de ma suspension, des amitiés tombées, ces façades décaties. Je reviens au taf avec l’impression d’un quart d'heure de trop. D’avoir trop parlé.
Pas le temps de cogiter, je dois partir au 85/87. Je prends le Page avec moi, je sens que j’aurai l’occasion de le lire. Au 3e étage, la réunion n’est pas terminée. Je m’assieds dans le hall, sur des canapés ultra mou. Des filles passent, une seule jolie, brune, typée italienne ou hispanique, gros seins mis en avant, cul caché par un tissu soyeux avec motifs floraux. Je me sens mal ici, comme pourri de l’intérieur, putride de la bouche. Je me sens si mal. Comme si tout fondait dans mon ventre, avec cette odeur indubitable de cadavre humain. Je suis une puanteur. Je lis une demi-heure puis retourne dans mon bocal.

Je me sens minable jusqu’à la fin de la journée, jusqu’au train. Dans le train, je materai le film de Lynch, je me dis ça pour me donner du baume au cœur, chasser cette odeur mortifère. Dans le train, je retrouve Nicolas, nous regardons ensemble le début. Puis, j’enchaîne seul dans le bus, dans les places du fond, comme un mauvais garçon. Laura E. Harring est le portrait idéal de mon " Héloïse ", quelques années en plus.

Le gentil chauffeur me dépose au stop, ma grand-mère m’a râpé des carottes, Maurice ronfle de grippe dans le canapé. Je n’arrive pas à me nettoyer le corps, à l’intérieur. Je n’arrive pas à me dire chouette, regarde tu as déjeuné avec une chouette jeune fille, tu as reçu de bien gentils mails de Juliette, tu as de la chance mon grand. Je n’y arrive pas. Je suis un homme de débâcle, n’est-ce pas redge, qui m’atrophie d’un " i ".

Je regarde la fin de Mulholland drive, dans mon évier des chaussettes baignent dans un jus adoucissant. Que penser de ce film, hormis la métaphore simple des rêves brisées des jeunes actrices se rendant à Hollywood, si interchangeables, une fois serveuse, une fois star, des noms qui se zappent si facilement, serveuse Diane ou Betty, l’actrice choisie, Betty, Camilla. Hollywood, boîte à Pandore. Le cinéma est une illusion, Sunset Bld est la rue de la maison d’Houdini, " Silenzio " est le dernier mot du " Mépris ". Etrangement, je pensais à Godard, au " Mépris ", au début du film, je ne sais plus pourquoi. Le mot me fut soufflé en synchronisation avec la somptueuse brune, courte et légère prémonition. Quelle beauté, ultime hommage à Gilda, aux héroïnes années 50, aux beautés hitchcockiennes, hawksiennes…
Je rince mes chaussettes. Je me couche avec les jolis seins de Laura. Je m’imagine à la casa Malaparte. Je plonge de la grande terrasse, dans l’air, juste instant, m’écrase sur la mer, et me demande bien si Marjolaine était sur la terrasse oui ou merde.

SILENZIO