"Fin de race", je suis encore confus, bouillonnant de questions, de réflexions, de scènes jouées, de supputations, d'incertitudes. Dévoré en quelques heures, avec une musique sonore forte, dolby surrond, devenue sourde, si lointaine. Pourtant si englobante.
De quoi ça parle ce bouquin de Nicolas d'Estienne d'Orves ? ; est-il de la famille de l'amiral Estienne d'Orves, le premier fusillé de la France Libre, et misérablement "dépositaire" d'un nom de station de métro ?
Nathaël, fils de juifs, se retrouve planqué dans une institution, une école "de surdoués". Il change de nom et devient Nicolas, affublé d'un nom breton.
Le roman commence par un viol, comme dans "Irréversible", on remonte l'histoire, le viol de Rosa, la mère de Nathaël, devant les yeux de Simon, son père torturé. Ils sont le couple "Crémieux", grands chanteurs d'Opéra ; "Crémieux", nom de plusieurs intellectuels juifs à l'action virulente pour les droits des juifs, Adolphe et ses lois en faveur des juifs d'Algérie et Benjamin, l'essayiste israélite par excellence.
En partance dans un camion, la mère pense à son fils.
Son fils qu'ils avaient quelque temps auparavant confié à un vieux pédagogue, Déodat de Villenègre, qui tient une école renommée.
Le gamin y vit un peu reclus, ne comprenant pas son anonymat, et sa judaïté, lui qui n'a jamais connu les synagogues et autres yeshivot. Il se déclare Français, ni plus, ni moins.
L'école est tenue par la "famille", les Villenègre, dont Déodat, dit "le Gaulois", est le chef ; drôle ce patronyme, est-ce parce que dans les villes nègres, le blanc, déambulant archaïque, est appelé le "Gaulois" par la population métisse moderne ?
Tous les enseignants sont membres de la famille, les trois filles, et les deux maris des jumelles.
Des métayers, qui remontent à l'origine de la famille, s'occupent de la maintenance, dans une institution aux forts relents féodaux.
Nicolas reste seul, il ne fait partie d'aucun clan. Il se méfie des autres, surtout des "cousins", Gérald et Sosthène. Mais il sympathise avec Artus, "la pédale", un jeune garçon qui vit en reclus depuis les accusations d'attouchements des "cousins".
C'est lui qui raconte l'histoire de la famille au jeune Nathaël, de son terrible passé d'inceste : Déodat serait le fils de deux enfants des patriarches des Villenègre, et le demi-frère d'un bébé anormal, issu de l'accouplement de son père avec son autre sœur.
Il avait vécu seul avec sa mère, claustrés dans leur propriété qui était leur seul univers. En sortir, c'était dépérir. Tout devait rester en famille.
C'est plus qu'un récit sur un petit juif caché dans une institution, on est loin des "400 coups", loin aussi, mais moins tout de même, de l'ambiance du "Roi des Aulnes". Ça englobe une plus grande réflexion, sur ce monde traditionnel, catholique et aristocrate qui s'engloutit dans ses perversions, dans une dissolution irrémédiable, sur ce juif qui ne l'est pas, pourchassé tout de même, sur ces soldats allemands, fascinants et disciplinés, sur la folie inhérente, sur l'absurdité de la condition humaine…

La fin est terrifiante… Le secret est terrible. L'objet des tests que les Allemands imposent aux élèves est déconcertant et si fort en projections possibles.
En dehors d'une utilisation abusive des métaphores moyennes, voire parfois minables, le roman est plus que captivant. On pénètre dans cette ambiance de peurs, d'ignorance et aussi d'abrutissement par le biais du jeune esprit de Nathaël. On s'aperçoit que la bête, ou le système, ou le divertissement (cérémonies païennes, films nazis, dans ce cas), permet toutes les manipulations. Nathaël en oublie ses parents, reste spectateur de scènes de violence terrifiantes, s'accommode de tout, même de la force séduisante des occupants.
Nathaël, petit juif bourgeois, Nicolas, pensionnaire breton, tout ça n'existe pas, n'existe plus, il est ce que le système fait de lui : asservi aux maîtres (Déodat, les Boches, Artus…), il exécute placidement ce qu'on lui dit de faire.

Il est 22h52 et le ciel crépite certainement, en tout cas, j'entends des détonations. Il y a un feu d'artifice à Touquin, puis certainement un bal des pompiers. Je devais barbequer chez Rodolphe, mais personne n'est venu, ne m'a joint dans la journée. Et je suis là, las. Rodolphe vient de m'appeler, il s'inquiétait. Je ne voulais pas le prévenir, faire le mort, ne pas le gêner. Sachant que je ne pouvais venir sans moyen de locomotion.
D'ailleurs, je ne suis pas hyper motivé de revoir la faune columérienne. C'est le devoir de s'expliquer qui m'agace. Tomber sur une galère, sombrer dans une algarade. Je préfère pas.
Et puis, j'ai tant à lire, à écrire, à faire : la revue pointe sa couverture. C'est pour bientôt.
Écrire la chronique du livre de Yann, de Charles et de Nicolas. C'est pas facile. Revoir tous les autres, et celui sur Schnitzler ? Quelle mauvaise rédaction ai-je pondu !!