À " Le néant, c’est l’univers sans moi " d’André Suarès, je répondrai, " le néant, c’est l’univers sans elle ".

" Elle " étant " Héloïse ", bien plus vraie que celle qui hante une partie de mon disque dur depuis presque 6 mois.
" Elle " et " moi " feraient un sacré beau Big Bang, une si belle réponse à l’origine du monde et surtout à sa fin.
Mais bon, comme en astrophysique, ce ne sont que des hypothèses constamment remises en question, voire en équation.

Valérie m’écrivait hier que le hasard n’existait pas et de surcroît qu'elle en avait la preuve.
Et bien, le hasard a encore frappé, de façon sèche et définitive. Le hasard est un assassin intraitable, un samouraï précis et discipliné. " Toi, ce soir, tu vas souffrir. Je ne vais pas te louper " s’est-il dit quand il m’a jeté sur ce coude de canapé.
Et moi, bien couillon, enivré par une vodka bon marché d’un super de province, je me suis laissé à confondre rêve et réalité, comme si je ne savais plus qui j’étais.
L’alcool cause bien des malheurs, le premier étant certainement la cirrhose du cœur et des épanchements mièvres des sentiments.
Pourquoi a-t-il fallu que je m’assieds auprès d’elle ? Pourquoi a-t-il fallu que je lui parle, des bribes de mots chaotiquement éthérés que mon cerveau stendhalien (de l’homo Stendhal, XIXe siècle) tentait en vain d’articuler convenablement ?
Dès son arrivée, j’avais été capté par son regard, ses yeux. Les yeux du monde. J’ai été très souvent chaviré par des apparitions de filles belles à dormir, dormir des heures pour rêver constamment. Mais ce n’était que des ballottements, d’ici à là. Ni sombrer, ni accoster, mais cette fois-ci, le récif fatal. Elle a ghosbusterisé les " autres ". À la trappe, par-dessus bord, les Ingrid, les Olivia.
Les yeux du monde me parlaient, me répondaient, jouaient le jeu, se montraient sympathiques. Je ne demandais pas davantage, qu’on me laisse rêver. Il serait inutile que j’essaie de la décrire. Je ne vois que de grands yeux et un visage très doux. Une certaine ressemblance avec Winoda Ryder. En général on lui trouve des petits airs de Marie Gillain me dit-elle. Nullement. Peut-être parce que je suis moi-même une sorte d’Edward aux mains d’argent, et que je crois au conte de fées.
Je ne sors jamais de chez moi si ce n’est pour aller chez des amis. Je ne fréquente ni fac, ni bureaux, ne drague jamais, ne crois pas en un pouvoir de séduction.
Je déboule chez RC dans l’optique de passer une bonne soirée, de partager des choses, des discussions, ce genre de civilités que j’apprécie facilement.
Et patatras, je touche à la perfection. Et destin, hasard, plaisir ou torture, la belle s’appelle Héloïse. Merde ! Si ce n’est pas un signe. Un choc comme celui-ci ne peut être gratuit. Il y a certainement quelque chose de plus.
Le plus est aussi fatal que l’apparition. Héloïse partait rejoindre son ami, elle me laissait avec le souvenir d’une jolie discussion. Le pays des rêves s’ouvraient à moi, un état de joie permanent se promettait également. Coup de massue.
" T’es vraiment un pauvre type " l’impression que j’ai ressentie.
Son ami, un minet sirupeux, petit côté de David Hasselhoff triomphant, m’interpelle sur mon cœur d’artichaut. Ouvre les yeux, le rêve s’est transformé en cauchemar. Ce matin, les champs de labours ne seront pas des champs de fleurs mais des cimetières abandonnés.
Elle avait informé son copain de notre discussion, de ma mièvrerie ou de mes délires d’alcoolique. J’étais définitivement un type pathétique.
Le rêve a duré le temps d’un rêve, vingt minutes. Je suis parti en colère, sans saluer mon ami RC. J’avais envie de me battre, de taper un type, un petit si possible, un sans défense. Je descendais la rue jusqu’à chez moi, à vive allure, le chagrin sur le visage.
Je me promettais de ne plus aider les petites vieilles à porter leurs courses dans les escaliers du métro, de ne plus proposer mon aide à ce petit vieux en fauteuil roulant qui galérait pour gravir la rue qui monte vers l’appartement de RC, de ne plus sourire aux gens, que le monde était pourri et que j’allais le lui rendre au centuple.
Et puis, au matin, je ne lui en voulais pas de s’être gaussé de moi, c’est vrai, je suis un type pathétique.
J’ai pris le RER, les champs de labours étaient bien tristes.

" O beata solitudo
O sola beatitudo ! "