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Fait
chier, il faut que je me déplace à Coulommiers pour chercher
mon chéquier, et pour prendre rendez-vous avec ma conseillère
neurasthénique.
Je ne suis pas super à l'aise dans les tâches d'intendance,
les démarches administratives, les discussions stériles
et ennuyeuses. Je préfère ne rien faire, rester peinard,
à essayer de me motiver pour écrire un peu la suite de
romans abandonnés.
Mais bon, il faut bien aller le chercher ce "putain" de chéquier.
J'espère qu'il n'y aura pas trop de queue, de monde dans mon
petit Crédit Lyonnais de Coulommiers.
C'est pépé qui me conduit, en route pour l'aventure, 75
ans et un as du volant, ancien chauffeur sous Leclerc, ancien routier,
ancien chauffeur de bus, et désormais le chauffeur des petits
vieux du coin, pharmacies, radiologues, cancérologues, aéroports,
gares, grandes surfaces, "Maurice" est l'homme du volant.
Vroum, vroum, on arrive à bon port, me jette devant la banque,
"j'en ai pas pour longtemps".
"Cool", il y a pas grand monde. Et le guichet des remises
de chéquiers est désert.
Je m'avance, tranquille, et quelle surprise !, je tombe sur deux ex-élèves
du lycée. Une jeune mariée, j'avais vu son mari à
la gare de Chessy, au hasard d'une correspondance, et une autre qui
était dans le lycée où je bossais (celui où
tout va à vau l'eau) et qui est désormais dans le lycée
d'à côté pour un BTS d'assistante de direction.
Je leur apprends que je ne suis plus pion et que je bosse, la jeune
mariée s'enthousiasme de cette bonne nouvelle. C'est drôle
de confier son numéro de compte à des petites que l'on
empêchait de passer à la cantine, ou que l'on taquinait
dans les allées du réfectoire.
Je ne sais si je dois vouvoyer ou tutoyer ; elles aussi sont un peu
troublées. On papote un peu, mais pas trop, des têtes rougeaudes
attendent derrière.
Ça m'a fait plaisir de revoir des ex-petites qui
travaillent,
se marient, ne font plus la queue au self.
Par contre, ma banquière "agioteuse" n'est pas disponible
avant perpète ; elle part en vacances cette semaine. "Génial".
Avec
pépé, on se retourne à Touquin, rien à foutre
à Coulommiers, il fait pas beau, et les potes ne sont plus ici.
Il y a que des affiches de Chirac sur les panneaux de la ville de Guy
Drut ; il a raison Krivine (que j'exècre), on est en train de
transformer un pyromane en pompier.
En rentrant chez moi, je me plonge dans l'envoi de mes pages de la semaine
qui traîne sur mon cahier à spirales, "Nicolas"
de Sheller accompagne dans mon recopiage. C'est chiant comme truc.
Sébastien me phone, il va en soirée dans le coin et me
propose un resto avant avec Sophie et Cyril. Il doit appeler Fiso et
moi Cissou.
Sébastien et Virginie débarquent vers 20h, Cyril appelle
au même moment, rendez-vous au Pakistanais de Coulommiers. Nous
voilà partis. Cyril doit nous rejoindre. Mais je suis sûr
qu'il sera super en retard, sinon ce n'est plus Cyril. Sophie est injoignable.
Tant pis. Elle est peut-être en vacances, je crois bien.
Petit resto kitsch et propre, nickel, pas grand monde, on est tranquille.
On commande un truc à boire, mais on attend la crapule pour commander
la graille.
La serveuse est sympathique, genre nord-africaine très ouverte.
Ce soir-là, une danseuse orientale est prévue, "vous
verrez c'est une Française qui danse, c'est très bien,
elle danse bien pour une Française, en général
c'est des Arabes, mais là, la fille est très bien"
nous dit la jeune femme. C'est pas gagné pour faire barrage aux
racismes et aux communautés. Mais bon, dans la bouche d'une Française
d'origine nord-africaine, ça passe. C'est ça aussi l'intolérable
situation, le racisme accepté car venant des "communautés
opprimées".
M'en fous, la bêtise humaine ne pourra jamais changer. Sauf, si
la solution de mon ami LD voit le jour, un monde de clones sans désirs.
Pour l'instant, gardons notre monde d'imbécillités, de
BHL et d'abrutissement "entairtenment".
On finit par commander, Cyril nous rejoint au milieu du repas et commande
une bière indienne, un dessert et un digestif. Trop bon, ce Cissou.
La danseuse pointe le bout de son nombril, charmant. Elle est en effet
très délicieuse, petite "Angélique" chez
le sultan. Je suis sûr que Cissou va mater ses pieds, Cissou,
c'est un podophile. Un grave amoureux de petons, des petits pieds tout
mignons. C'est un malade, je propose qu'on l'enferme.
Le voilà le Sirocco chaud des souks bigarrés, le Simoun
tourbillonnant de roses poussières, le Chamsin déchaînant
son nuage de désirs impies.
Elle tournoie devant nos faces mâchouillantes de poulets tandoori
et de riz basmati. C'est ainsi.
Les perles, les soies, la chair dansent, virevoltent, farandolent dans
un regard profond, chaud et sec. Elle invite Virginie de son foulard,
elle décline. Puis l'ouragan du nombril du monde s'éloigne
vers une autre table, la tornade sensuelle nous rejoint et m'attrape
par le bras, je résiste, je m'accroche à ma chaise, à
ma cuillère, si faible cuillère et à mon courage
intégral en poussant Cissou à se trémousser. Il
est un bon trémousseur, le Cissou.
Très vite, tout le monde danse, bouge du popotin, joue des hanches,
claque des genoux, tremble des épaules, le sourire au bec.
Je n'ai pas eu le choix
Ça swingue.
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