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Je
sors de chez moi, la première fois depuis le 24. Je narrive
pas à écrire. Rien de bon, ou alors si différent
du rythme des manuscrits entamés que je tente de boucler. Que
de la merde. Je suis pourtant ok pour le final cut. Ça valait
la peine dattendre presque deux ans, et même plus. Je me
perds dans les chronologies récentes. Ça valait la peine
dattendre et de trouver une fin satisfaisante.
Je suis sûr quen une nuit de motivation et denthousiasme,
je torche le chapitre final. Mais les éclaircies de joie et deuphorie
sont trop rares. Et le temps pourri ny aide pas. Il flotte, tout
le temps. Pas de lumière. Cest difficile à passer
le cap des fins dannée pour un cyclothymique névropathe.
Cest un peu comme à la téloche, cest lheure
de bilans, des best of, pour moi, cest un amas infâme de
frustrations. De non gestes, de mots non dits, de mots dits, et maladroits,
de lâchetés, de méchancetés, de bêtises
surtout, car au contraire, je ne suis pas méchant. Pas assez,
peut-être. Cest Régis qui signe souvent ses mails
dune citation de FJ Ossang, " chaque jour soyez méchant
"
Je crois.
Tous les ans, jy crois, et rien, jamais. Nulle part. Je garde
un socle, les amis. Rien ne pousse autour.
Il y a un moment où lon comprend que lon nest
pas fait pour le jeu avec les autres, et de ce basculement naît
une sorte de mysticisme. Quon peut appeler mysticisme pour se
rassurer.
Seul chez soi, on parle seul. On réfléchit seul. On chantonne
seul. On dort seul. On mange seul. On vit seul. On a limpression
que ce monde est peuplé de soi. Cest une drôle de
sensation, de se sentir partout, dans ce monde, ici, une maison ancienne.
Les cliniciens psychiatres ont certainement une explication, ainsi que
les religieux certainement. Moi, je cherche encore.
Mais cette impression dêtre constamment en conversation
avec soi est rassurante ? Factice surtout, car elle peut se déjouer
à tous moments, par lenvoi dun mail, la réception
dun message, un coup de téléphone (même si
javoue tous les zapper depuis quelques jours), une visite, une
sortie.
Rien de définitif dans cette situation. Au contraire, ça
ressemble plus à un badtrip quà une véritable
révélation mystique. Je suis un charlatan de moi-même.
Bien trop cynique pour un rapprochement divin. Je me morfonds pathétiquement
sur mon pauvre sort amoureux. Fragmenté.
Je ne suis pas un oblat inversé. Je suis juste un trou du cul
qui est incapable de conclure une relation amoureuse. Un naze dans la
nasse.
Je suis pourtant un bon conseiller sentimental, nest-ce pas Cyril
? Qui est en vedette sur le site des Wampas.
Je suis bon en plein de truc. Cette après-midi, je quitte ma
cellule pour affronter un environnement que je déteste. Chez
ma mère. Je lui ai promis de regarder sa machine à laver.
Je pars de chez moi avec un tournevis, un cruciforme et une pince de
plombier. Jai revêtu mes fringues de jogging, je les laverai
en rentrant. Je pense à ma mère, et joublie les
bestiaux, les poils, la saleté et lodeur. Jarrive
souriant. Calme. Patient.
Le gros chien, énorme !, et bien plus " sage " quavant,
mais il est toujours aussi pisseux. Un drame. Cest marrant, cest
toujours moi qui baptise les chiens de ma mère, le précédent
" Titus " (je devais lire Bérénice), et celui-ci,
" Napoléon " (la part de bonapartiste en moi), appelé
couramment " Léon ".
Je regarde la machine, un petit chat dort sur une chaise, dépieutée
par des années de griffes félines. La porte de la salle
de bain a disparu, enlevée, Léon avait pris lhabitude
de pisser dessus. Lamour des bêtes et la solitude mènent
à de drôles de convenances. Je dis rien, je préfère
en sourire. Le gros pépère est sous la table, il me regarde.
Se rappelle-t-il de nos promenades lorsquil était chiot,
jusquau moment où jabandonne, désespéré
par la façon quil était (non) dressé par
ma mère. Cest là quun type intelligent, au
lieu de sen foutre, aurait dû penser : elle est incapable
de dresser un chien, elle bosse toute la journée non-stop, dun
travail harassant, donc cest à toi de faire leffort.
Cela aurait évité que tu pinailles parce que le clebs
fait ce quil veut dans lappartement.
Je suis égoïste, même en fils. Planqué dans
ma cellule propre, bien rangée, aérée. Je suis
un monstre, un de ceux de Risi.
Il me manque des clés, je retourne chez moi. Je range mes toilettes
pour accéder au grenier. Jy trouve facilement, lavantage
des maniaques, les outils nécessaires. Tiens, ça me fait
penser que jai laissé des trucs chez Régis. Depuis
le temps.
Je démonte une plaque de la machine, rouillée à
sémietter, " cest le gros, il arrête pas
de pisser dessus ", bon, continuons à sourire. Je suis responsable
de ce chien pisseux aussi. La machine est dans un sale état.
Jamais nettoyée, pleine de calcaire, rouillée, elle est
morte. Je suis bien désolé. La mienne est morte aussi.
Je fais mon linge chez mes grands-parents.
Jaide ma mère aux mots croisés, mais je suis nul.
Je trouve Neustrie. Quand même ! Elle me narre son réveillon,
toujours un drame, toujours un sourire et une innocence sur le visage
de ma mère.
Jespère que Dieu existe, et quil tiendra ses engagements.
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