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Cest
la première fois que je sors en foule depuis les " vacances
", rencontrerais-je de jolies jeunes filles, aux caisses ?
Je fais le trajet derrière mes grands-parents, en feuilletant
le " Pays Briard " dédié aux Miss Seine-et-Marne
parties en raid à la Réunion, de bien belles jeunes filles.
Je largue mes grands-parents sur le parking bondé, qui est-ce
qui avait raison. Jempreinte la petite pastille pour pépé
pour prendre un caddie, il doit bien avoir un euro sur lui. Je sais
ce que je veux, du rapide, de la viande à fondue pour demain
midi, des trucs quotidiens, savons, dentifrice, pq
Pas de jolies jeunes filles, que des VIEUX ! Cest un bordel immonde
de dos voûtés se rampant dans les allées, ça
moblige à des manuvres agiles. Je slalome merveilleusement.
Je rencontre mon grand-père en discussion sourde avec le garde
champêtre du village, au rayon Whisky, et gâteaux apéritifs.
Je charge de conneries au bacon, salées, fromage. Je prends des
lardons, du gruyère, de la crème fraîche. Sans oublier
les pâtes. Et le coca.
Pas un joli minois, des couples quadra qui ont sorti papi et mamie.
Les pauvres souvent perdus dans le vacarme errent sans savoir où
aller. Hagards, abrutis, ils suivraient la première personne
qui dirait viens mamie. Je ne peux contenir mon rire à certaines
scènes, je mesclaffe tel un possédé au rayon
frais. Laccumulation certainement, car la scène nétait
pas vraiment hilarante, une mémé paumée regardait
désespérée sa fille ( ?) qui lui demandait quel
yaourt quelle préférait. Je trouve dans le regard
dune jolie quadra, justement, un retour complice face à
cette horde de vioques. Venus prendre un bain de jouvence dans les allées
de Leclerc. Montrer quils participent à la fête.
Quil ne faut pas encore les enterrer. Ils prennent tous les produits
marqués " nouveau ", les vieux, ce sont les pros des
nouveautés.
Très vite, je me retrouve aux caisses. Je gare mon caddie dans
un coin et pars en reconnaissance de caissières, que des moches,
des pas très fraîches, pas de Dabia, ou Dabéa peut-être.
Je prends la première libre, un brune, cheveux courts, souriante,
mais laide. Je suis un expert en course, même si jai oublié
mes grands sacs, je remplis les plastiques dans un rythme olympique.
Ça coince sur un paquet de gâteaux, on attend un jeune
type pour aller chercher létiquette. Il ne se passe rien.
Je dis bonjour à la petite caissière blonde dà
côté, vue au lycée. Jai rencontré quelques
élèves, vite fait. Une rousse dà peine vingt
ans avec un joli petit bébé.
Je range correctement mes courses, laissant plus de la moitié
du coffre, dans la voiture. Je repars dans la nasse, à la recherche
de Mes vieux. Je les retrouve, les aide à trouver des trucs,
et les abandonne très vite, face à leur lenteur et hésitations,
et pars voir les livres vendus.
Les Prix sont bien placés. Je marrête sur le livre
de " Brandon " dOpération Séduction, jignorais
quil (un nègre) avait écrit un bouquin. Je choisis
au hasard, il raconte quil veut être une star, quil
en a marre dêtre loufiat au Ritz, quil veut de largent,
pour cela, être chanteur, acteur, quelque chose quoi, quil
a servi tout de même Spielberg, " je sers le cinéma
américain ". Une main me tape fortement sur lépaule,
Bertrand. Bertrand en tenue de travail, il emménage dans sa nouvelle
maison. On parle de nos projets, je lui demande son texte pour bordel,
mexplique quil na plus de connexion, que le déménagement
Je lui raconte que je passais pour voir quels livres on vendait dans
un tel magasin. Je suis bien tenté par celui-ci, " Kafka
et les jeunes filles ", pour les jeunes filles certainement ; je
nai jamais lu K. Mais je ne vais pas lacheter ici dans un
magasin où jachète mon pq ! Jirai certainement
à la " Quefna " (copyright Régis), est-ce mieux
?
Il me parle de son projet sur les nouvelles de K, libres de droits.
Bertrand est un esprit toujours alerte, et une longue expérience
des documentaires sur les littérateurs.
Merde, mes grands-parents, cest moi qui ai les clés de
la caisse. Je sors vite fait, ouf, ma grand-mère avait le double.
On est partis ! Jouvre légèrement ma fenêtre
arrière, les odeurs séniles. Ils décident daller
au centre ville, pour prendre des petits gâteaux. Cool, jen
profiterai pour aller saluer Pablo, mon libraire historique. Je passe
devant la parfumerie, celle de la généreuse vendeuse,
comment ai-je dû lappeler après les pressions (infâmes)
des gens du lycée, dans mes chroniques de 2000. Jai même
oublié son véritable prénom. Je laperçois
au loin, je vois sa si belle poitrine. Ma silhouette noire, longue,
libre ne ralentit point. Pablo est à létage, quelques
clients chinent. Je vois le bouquin sur Kafka, cest un signe décidément.
Je le prends, Pablo était justement en train détiqueter
le " Journal " de K. Cest parti.
Je repars, aperçois ma grand-mère à la pâtisserie,
dans la parfumerie, lautre vendeuse, la petite, joli cul, joli
minois, cheveux rouges. Je décide de faire marche arrière
et daller aider ma grand-mère, ainsi je repasse une nouvelle
fois devant la boutique aux si belles, et différentes, vendeuses
: gros nichons & petit cul.
Je
mempiffre dun paquet de chips aux oignons, et plonge dans
le livre sur K et les jeunes filles. " Nouveau monde " de
Sheller dans les 5 enceintes. Le fauteuil blanc, celui, perdu dans un
coin. Jallume la lumière de la bibliothèque. Je
me cale la nuque.
Et là, très vite, cest la joie de se trouver un
reflet, un ante-soi, quelquun qui semble avoir connu les mêmes
choses.
"
Lapparition dune jeune fille est un hasard, une chance et
une menace
Ne pas la toucher, repousser ce moment fatal, mais
la tenir captive
La jeune fille rêvée pas Kafka,
pensive et qui incline légèrement la tête dégageant
la nudité de son cou, est vouée à une notre possession
Du désir quelle éveille, il fait le sésame
de lécriture. De son propre renoncement, un tremplin. Gorgé
de ce désir qui doit demeurer désir, il peut se terrer
dans la solitude pour écrire
"
Les
mêmes mots, les mêmes choses, les correspondances : mes
petits mots laissés sous la porte de lappartement dAudrey
(la " salope " des chroniques), mes dizaines de lettres à
Olivia, et la genèse avec la lettre aux snickers envoyée
à Ingrid. Désormais ce sont les mails à Fanny,
à Marjolaine ; les dons de livres aux jeunes filles : "
Anissa Corto " à Olivia, " Le cri du sablier "
à Marjolaine ; lobservation des jeunes filles dans les
métros, les trains, ces cous délicats, ces têtes
(ou poitrines) dodelinantes : linconnue du bus et du RER, et tous
les " morceaux " pris ici et là.
Tout
mon journal ne tourne qu'autour de ces jeunes filles, de la tristesse
née du désir, qui lui, procure la peine d'écrire.
La peine, oui, le mot englobe l'intégralité (sémantique)
de la chose.
Je me trouve un " système " dans cette lecture de Kafka
mais aussi de Nerval (merci à Marjolaine), je dois vite finir
"Aurélia" - je ne pouvais le lire, tout me ramenait
à elle, encore à elle, toujours à elle, et pour
elle, je suis rien, rien, moins que rien, moins que zéro - pour
lire " Les filles du feu ".
Mais là, je me trouve face à un miroir, et je me vois
- je pensais être mort. Un mort déambulant. Non. Acquis
à mon destin de solitude et de souffrances, je me trouve un ami.
Un ante-moi. De la matière, à l'intérieur. Quelque
chose de nourrissant. Et la révélation se pointe le 31.
Tandis que " Nicolas " de Sheller passe en boucle, d'une musique
que je n'entends même plus.
"De cet amour impossible, il se fait la victime consentante",
tout est dit, tout est là.
Kafka posant en St Sébastien pour un obscur peintre praguois,
encore un signe, lui qui en était si friand. Jai hâte
dêtre jeudi, de reprendre le travail, et de lire ce "
Journal " dun autre cur triste & esprit gai.
Je
clos lhistoire, ou la non-histoire, avec Marjolaine à minuit
précise. Je ne sentirai jamais sa peau, mais je sauve la mienne,
peut-être. Je me couche triste et gai, donc.
Cest une nouvelle Aurore, le K eos !
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