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Soral,
le dernier des communistes.
Avec
la disparition de l'URSS, qu'on veuille ou non, le bien comme projet
terrestre a disparu, laissant le commerce comme horizon indépassable
de notre temps ; avec, pour supporter cette angoissante absence de transcendance,
les braillements ado-gauchistes des antimondialistes, les platitudes
cool du dalaï-lama, les bonnes uvres des Enfoirés
(fort justement nommés) sous le regard amusé de la jet-set.
La gueule d'un bon vieux Lautner, la verve d'un Audiard enragé,
engagé, énervé, boule à zéro, veste
de velours, postillons garantis, mais aussi franc parler et enculage
de bien pensants, c'est Alain Soral, l'homme en colère. C'est
autre chose que le touffu de Valenciennes, Jean-Louis Borloo !
Alain Soral, misogyne, marxiste, poujadiste, communiste, célinien,
populiste, fasciste, rebelle, révolutionnaire, psychanalyste,
sociologue, historien, politiste, invité de "C'est mon choix",
n'aime pas le free jazz, le rap français (avec des nuances),
la techno, les comiques, les "crétins bien nés",
les stars de rien, la société du spectacle, du désir
et du mensonge, de la manipulation, de la démagogie et de l'abrutissement.
Il s'en prend aux mous du bulbe, aux décérébrés,
mandarins du système, BHL, "Sacré BHL, chez lui tout
est contrefait, même sa femme !", Gérard Miller, le
carriériste révolutionnaire cathodique, le ventripotent
limaceux Alexandre Adler, le libidineux et mollasson Michel Onfray,
le très brumeux déconstructeur Derrida et les têtes
ne cessent de tomber.
Soral ne manie pas la langue de bois et sa destruction, plutôt
qu'une déconstruction derridienne, se montre plus performante,
plus perforante face à la "bêtise ambiante".
Soral s'envenime, emporté par sa volonté de convaincre,
par sa désespérance face à la bêtise consubstantielle
des abrutis qui animent les débats télévisés.
Soral n'est pas fasciste, mais il se pose la question face à
une telle décrépitude généralisée,
"et c'est vrai que face à la naine sentencieuse Mimie Mathy,
j'éprouve moi aussi le sentiment coupable qu'aimer le talent,
l'exigence, le dépassement de soi, la pudeur, le rare, l'élégance,
la marge... c'est désormais fasciste."
Soral est marxiste, je vois bien là-bas, tapi dans son coin,
devant son imac violet, le petit Nassif en train d'écrire un
papier sur lui, "Soral le növo céliniensituationniste"
; mais non, minot choucrouteux, Soral n'est pas situationniste, pour
lui, Debord représente "la partie de l'uvre de Marx
accessible aux publicitaires".
Soral est le dernier communiste-marxiste. Et sur l'échec du modèle
soviétique, le totalitarisme bolchevique, Lénine, Staline
et le "livre noir du communisme", précurseur de toutes
les ignominies du XXe siècle, pogroms, goulags, camps d'extermination
?
Alain a la formule clé, la phrase choc, "il ne viendrait
à personne l'idée de reprocher au chrétien d'être
fidèle au message du Christ, malgré les exactions commises
en son nom par les monarchies catholiques. Alors, pourquoi reprocher
au communiste de rester fidèle à Marx et à son
idéal de société sans classes, malgré les
exactions du stalinisme ? "
Soral, marxiste de la lutte des classes, opposant à la bêtise
de la gauche, de la fausse du PS, à la complicité maladroite
d'Arlette Laguiller, se revendique plus de la SFIO. Il réhabilite
Robespierre et la pensée républicaine, y aurait-il du
Chevènement en lui ?, " jamais le populo français,
amateur de stade, ne se permit de siffler l'hymne allemand avant un
match et ce malgré trois guerres, quatre ans d'occupation et
quarante années de déculottées footballistiques...
Je rappellerai que la Marseillaise, chant révolutionnaire, est
consubstantielle à l'idée de citoyenneté, du passage
de "sujet de Sa Majesté" à "citoyen de
la République" et qu'en conséquence, penser qu'il
fait partie des droits du citoyen de mépriser le symbole de la
citoyenneté revient à promouvoir le droit de mépriser
le droit. "
Il serait réducteur et trompeur de confiner Soral dans le rôle
de rabat-joie dogmatique et colérique, il est surtout, et ce
n'est pas du tout péjoratif, le dernier grand pamphlétaire
et le seul humoriste médiatisé. Il y a du Desproges dans
sa diatribe sur les "comiques", dans ses textes sur les "gays",
" Qu'il soit réactionnaire de persécuter les pédés
n'implique pas qu'il est progressiste de se faire enculer. ", ou
sur l'incurable Dieudonné, " le mépris de la France,
né de la culpabilité coloniale d'une génération
qui n'y a pas participé (sinon rétrospectivement en votant
Mitterrand), alors que l'immense majorité du peuple de France,
exploitée par la bourgeoisie ou issue des précédentes
vagues d'immigration (italienne, espagnole, portugaise, polonaise...),
n'a rien à voir avec le colonialisme. Culpabilité coloniale
érigée en mépris absolu de la France et de son
histoire, réduite à l'affaire Dreyfus et à la parenthèse
pétainiste, au mépris de 1789, de 1848, de 1871, autant
de dates héroïques qui font de la France la référence
des gauches du monde entier... Pas étonnant, après trente
ans de ce travail de sape, que les gamins paumés - transplantés
dans des lieux sans histoire, avec pour exemples douloureux des pères
esclaves, pour avenir la crise, dans un ex-pays ennemi, donc en quête,
plus que quiconque, de repères, d'autorité et d'éducation
- aient développé un tel mépris de la France et
des Français. Pourquoi respecteraient-ils des gens qui ne se
respectent pas eux-mêmes (ni leur pays ni leurs valeurs)"
.
"Jusqu'où va-t-on descendre ?", Soral en un abécédaire
jubilatoire nous procure un bien énorme et salvateur.
Inclassable Alain Soral, marxiste laïc qui se complaît à
citer les évangiles et la parole christique, communiste à
l'âme républicaine de la trilogie de 1789, "Liberté,
Égalité, Fraternité", machiste à la
poésie d'un Ronsard ; un bouillonnement de pensées, de
colères, d'exaspérations et d'indignations.
Humain, trop humain, incontestablement. Alain Soral, le seul communiste
français.
Jusqu'où
va-t-on descendre (Abécédaire de la bêtise ambiante)
d'Alain Soral, Éditions Blanche, 260 pages.
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