Quel
beau métier professeur ?
Le premier livre dÉric Bénier-Bürckel, que
je nai pas lu, sintitulait Un prof bien sous tous
rapports. Cest ça, oui, bien sous tous rapports.
Il a obtenu pour ce premier roman, le prix Sade 2001. Piètre
écrivain limbécile de Sade, écrivain stupide
aussi. Mais bon, il a ouvert, popularisé, des portes, un genre.
Éric Bénier-Bürckel, écrivain pyroxidé,
est professeur de philosophie, comme tant. Comme Pépin.
Je
mautorise une amicale digression sur Charles Pépin, beau
gosse et philosophe.
Une
histoire de Golf, mais aussi un peu de Merleau-Ponty
Charles Pépin et sa Golf, comme dans "Descente",
comme dans la vie. Charles Pépin, bellâtre cathodique
et esprit académique enseigne la philo dans un bahut et dans
la télé. Il philosophe de son regard assuré et
de sa chevelure majestueuse.
Charles, c'est un rêveur, un rêveur qui arrive à
Sciences Po avec plusieurs semaines de retard, parce qu'il était
en vacances, parce qu'il avait oublié, parce qu'il lisait,
parce qu'il était amoureux, parce qu'il rêvait un autre
monde.
Ce qui est triste avec cette expression "rêver un autre
monde", c'est qu'on ne peut s'empêcher de l'associer à
ce groupe hideux et rébarbatif de nos années lycée,
emmené par un décérébré aux lèvres
molles et aux paroles intestinales ! Bref.
J'ai rencontré Charles, pour la première fois, lors
d'une scène qui résume le personnage. Des amis me déposaient
chez moi, rue de Turenne, nous roulions dans la rue des Francs-Bourgeois,
et nous fûmes arrêtés par une "Golf"
stationnée en plein milieu de la voie. Un chevelu, téléphone
en main, s'agitait près de sa portière ouverte. Je commence
à pester contre ce con avec son portable. Nous sommes obligés
de nous arrêter. Je regarde de plus près. Il me semble
le reconnaître : Le petit "Charles Pépin",
le beau gosse de "Culture et dépendances", "Monsieur
Philosophie".
C'est bien lui, il suffit de l'entendre parler, avec son phrasé
très particulier. Il téléphonait aux pompiers
parce qu'il avait vu un homme faisant un malaise sur le trottoir.
Un héros civique, ce Charles. Il gare sa voiture. Nous repartons,
il reste près du type allongé au sol.
Be
Pépin by himself
"Ce que je suis et tout ce que je ne suis pas, ma bite de taille
moyenne et ma claustrophobie, je ne suis pas songwriter je ne suis
pas popstar je ne suis pas boxeur je ne suis pas Norman Mailer et
je n'ai même pas baisé les plus belles filles de Paris,
juste l'une d'elles qui s'appelait Lena et a disparu un matin en me
laissant toutes ces affaires." (p.69)
Alban est donc un professeur de philo dans un coin du Nord, un jeune
agrégé de l'Ouest parisien qui se trouve nommer dans
la France d'en bas. Alban, fêtard cocaïnomane du Paris
branché, se retrouve seul face à ses peurs, ses rêves
frustrés, ses promesses oubliées, suite au départ
de la femme qu'il aime, Lena, partie avec son meilleur ami, Arthur.
Alban, Arthur, Lena ou Pénélope
Des prénoms
qui fleurent bon les amphithéâtres de la Sorbonne et
les prépas Henri IV, et les romans de Nicolas Rey
Alban et Arthur, deux amis, deux facettes d'un auteur jeune, humaniste
et néanmoins noctambule qu'incarne à merveille le sémillant
Pépin.
Alban se fait larguer, une jeune lolita lui tombe sur les bras, et
il se gratte enfin au sensible !
Ces jeunes types-philosophes écrivent des romans sur des pauvres
types daujourdhui qui ont débarqué sur une
île qui nétait pas celle rêvée au
départ.
Une grande frustration. Eux aussi, ils (les jeunes philosophes) veulent
être célèbres. Ils le méritent tout de
même plus quun Jean-Pascal ! Ils nont
pas lu Nietzsche et " Etre et Temps " pour rien !
Éric
Bénier-Bürckel, vient de sortir Maniac, lhistoire
schizophrénique et paranoïaque dun pauvre type de
27 ans, surendetté, qui aime les gros nichons et qui bosse
dans la pub à un poste peu rémunéré. Maniac
fait un peu penser à Pliskin, mais en moins chiant, et aussi
aux histoires décalées de Martin Page, mais en plus
chiant. Éric Bénier-Bürckel fait une belle synthèse
entre Toboggan, lourdingue, et Comment je suis devenu
stupide, frappadingue.
Maniac
d¹Éric Bénier-Bürckel, Flammarion, 348 pages.