Une histoire de Golf, mais aussi un peu de Merleau-Ponty…

Charles Pépin et sa Golf, comme dans "Descente", comme dans la vie. Charles Pépin, bellâtre cathodique et esprit académique. Il enseigne la philo dans un bahut et dans la télé. Il philosophe de son regard assuré et de sa chevelure majestueuse.
Charles, c'est un rêveur, un rêveur qui arrive à Sciences Po avec plusieurs semaines de retard, parce qu'il était en vacances, parce qu'il avait oublié, parce qu'il lisait, parce qu'il était amoureux, parce qu'il rêvait un autre monde.
Ce qui est triste avec cette expression "rêver un autre monde", c'est qu'on ne peut s'empêcher de l'associer à ce groupe hideux et rébarbatif de nos années lycée, emmené par un décérébré aux lèvres molles et aux paroles intestinales ! Bref.

J'ai rencontré Charles, pour la première fois, lors d'une scène qui résume le personnage. Des amis me déposaient chez moi, rue de Turenne, nous roulions dans la rue des Francs-Bourgeois, et nous fûmes arrêtés par une "Golf" stationnée en plein milieu de la voie. Un chevelu, téléphone en main, s'agitait près de sa portière ouverte. Je commence à pester contre ce con avec son portable. Nous sommes obligés de nous arrêter. Je regarde de plus près. Il me semble le reconnaître : Le petit "Charles Pépin", le beau gosse de "Culture et dépendances", "Monsieur Philosophie".
C'est bien lui, il suffit de l'entendre parler, avec son phrasé très particulier. Il téléphonait aux pompiers parce qu'il avait vu un homme faisant un malaise sur le trottoir. Un héros civique, ce Charles. Il gare sa voiture. Nous repartons, il reste près du type allongé au sol.

Be Pépin by himself

"Ce que je suis et tout ce que je ne suis pas, ma bite de taille moyenne et ma claustrophobie, je ne suis pas songwriter je ne suis pas popstar je ne suis pas boxeur je ne suis pas Norman Mailer et je n'ai même pas baisé les plus belles filles de Paris, juste l'une d'elles qui s'appelait Lena et a disparu un matin en me laissant toutes ces affaires." (p.69)

Alban est donc un professeur de philo dans un coin du Nord, un jeune agrégé de l'Ouest parisien qui se trouve nommer dans la France d'en bas. Alban, fêtard cocaïnomane du Paris branché, se retrouve seul face à ses peurs, ses rêves frustrés, ses promesses oubliées, suite au départ de la femme qu'il aime, Lena, partie avec son meilleur ami, Arthur.
Alban, Arthur, Lena ou Pénélope… Des prénoms qui fleurent bon les amphithéâtres de la Sorbonne et les prépas Henri IV, et les romans de Nicolas Rey…
Alban et Arthur, deux amis, deux facettes d'un auteur jeune, humaniste et néanmoins noctambule qu'incarne à merveille le sémillant Pépin.
Alban se fait larguer, une jeune lolita lui tombe sur les bras, il se “gratte enfin au sensible“ !

Je n'ai pas envie d'en dire plus sur ce livre bien écrit d'un gars sympa et intelligent.
Quelques morceaux de textes, je sais c'est moche, mais j'ai aimé le livre, j'aime le type, basta.

Extraits par flemme

"C'était d'ailleurs ce que j'entendais le plus souvent, à l'époque, lorsque je me retrouvais dans la rue et que des salariés se vengeaient de leurs vies prévisibles en se déchaînant sur leurs klaxons : ils avaient attendu que l'un d'eux lance le signal pour s'y mettre tous ensemble et, confortés par le vacarme des autres, se lâchaient en de lamentables pets sonores qui finissaient par résonner, lorsque le tumulte se nourrissant de lui-même atteignait son paroxysme, exactement comme les coups de sifflet de ces ravers extasiés ou ces sirènes retentissantes dans certains moments de house." (p.108)

"C'était du sens devenu sensible" (p.109)

"Elle m'a appris à préférer la vie à mon idée de la vie" (p.109)

"Sur le pare-brise la pluie constante tombait comme un rideau trop long : ça faisait sur le verre des plis que l'essuie-glace venait briser avec la régularité d'un métronome" (p.145)

"Vieillir, ce n'est pas seulement supporter la voix de Phil Collins sans avoir envie de tout casser, regarder les filles dans la rue sans aller leur parler, c'est aussi chercher à comprendre" (p.148)

"Technikart, Le Monde, Les Inrockuptibles, Art Press, Blast, Marianne, Elle..., certains honorés de la plume bouffonne d'Arthur. " (p.161)

"Oui, je ne suis pas Bukowski, je ne suis pas John Fante, je ne suis même pas Michel Foucault, je ne suis pas une rock star mais je vais te baiser quand même et tu vas voir je te montre un nouveau jeu, tu t'appelles Lena et tu me suces la bite avec des yeux d'amoureuse, OK ? après tu te mets à genoux les bras tendus devant toi les seins contre le drap et tu me tends ton cul comme un soleil de gomme usé et je te montre un nouveau je : le mec qui s'écroule sur ton dos après t'avoir secouée pour jouir en trois minutes, le prof exemplaire qui descendu de l'estrade te pleure dans les cheveux en se retirant de ton cul - il se souvient que plus jeune il avait peur des filles, il les désirait tant qu'il avait peur des filles, il les désirait tant qu'il avait peur de débander devant leurs ventres ouverts, aujourd'hui il bande même lorsqu'il ne veut pas, il bande comme un porc pour ce qu'il ne veut même pas et il regrette le temps de ses peurs adolescentes. " (p.163)

"Elle est brune avec une jupe en skaï et un tee-shirt rouge et or, les mêmes couleurs que le drapeau du F.C. Barcelona qui claquait tout à l'heure dans une ruelle de la Ribera." (p.175)

Les infidèles de Charles Pépin, Flammarion, 281 pages.