Quand as-tu écrit le scénario de "Pendant la fête" ?

De janvier à juin 2000, au total 11 versions successives
avant la dernière... celle du montage, où tout change.

Comment as-tu fait ton casting ?

J'ai trouvé les deux comédiens sur casting. Ilroy Plowright, l'enfant (9 ans au moment du tournage) se démarquait très nettement de tous les autres (une grosse vingtaine) tant pour le jeu que pour l'intelligence du texte. On ne s'est pas consulté avec William, mon producteur, avant le choix final. Quand on en a parlé, nous avions choisi le même. Un signe. Par ailleurs Claude, sa mère, nous a vraiment aidé en étant très présente, en le faisant répéter, et en le "décalant" progressivement pour qu'il dorme la journée, tout le tournage ayant lieu de nuit (11 nuits), entre 2 et 5h30 du matin. Par ailleurs, les trois quarts du film se déroulant sur une nacelle de grande roue à 40m du sol, il fallait que nos comédiens n'aient pas le vertige.
Pour l'homme, Vincent Grass, c'est un comédien qui tourne essentiellement au théâtre, en France et en Angleterre (dernièrement : Staline Melody avec Victor Lanoux). Au début, j'avais contacté Etienne Chicot, qui est un de mes comédiens culte (une prochaine fois peut-être, je ne désespère pas). Il avait aimé le scénario mais tournait un long et nous ne pouvions pas décaler nos dates. En tout cas, je voulais "une gueule".
Enfin il y avait la mère. Je la voulais "bourgeoise mais pas trop", et surtout capable de jouer ce que je lui demandais, c'est-à-dire une hallucinante scène muette dans laquelle on doit voir défiler "toute sa vie" sur son visage et dans son corps, sans autre recours que... le jeu.

Et la production ? Quels sont les rapports d'un jeune réalisateur avec des producteurs de cinéma ?

J'en sais rien, c'est un pote (William Picot) et c'était son premier film. À la base, il est plutôt connu et reconnu dans le domaine de la conception/scénographie d'événements. C'est lui qui a eu l'idée initiale de tourner un truc sur une grande roue. Au début, je ne devais être que le scénariste...

Combien de temps as-tu mis pour mener à terme "ton" court ?

Six mois d'écriture, 11 nuits de tournage en août 2001 dont
10 sur la grande roue de la fête foraine des Tuileries, puis un an et demi de post-prod avec beaucoup de pauses. C'est un peu long mais on a eu quelques soucis techniques : William déménageait ses locaux pour agrandir et équipait le studio de montage image et son au fur et à mesure...

Il est "long" (26 minutes), cela n'a-t-il pas fait peur à tes producteurs ?

Non. On avait décidé dès le début que la seule contrainte réelle serait de faire un beau film. Il aurait pu faire 5 mn ou 35...
Mais c'est un vrai problème pour le diffuser.

Comment s'est déroulé le tournage ?

Étrangement bien, vu les contraintes énormes : un gamin, tout tourné de nuit, à quarante mètres du sol (bonjour les mises en lumière et les équipements de sécurité pour les comédiens ; et seul le chef op et moi pouvions monter sur la grue : donc pas d'assistant chef op, pas d'assistant réal, pas de scripte qui étaient tous au sol), tournage "long", accès aux Tuileries pour notre grue et nos camions à partir de 23h30 ou 0h30 après la sortie du public... grosses installations lumière pour éclairer 200 mètres
de la rue de Rivoli plus la façade ouest du Louvre et la roue elle-même... ce qui donnait des débuts de tournage entre 2h30 et 4h du matin.
On a accumulé de plus en plus de retard de nuit en nuit (dont une de pluie où on a rien tourné), j'étais angoissé comme une bête au point de ne plus flipper à cause du vide sous la grue au bout de deux nuits.
Puis on a tout rattrapé dans les deux dernières nuits, grâce à tout le monde, notamment aux électros qui ont mis un gros coup de bourre pour qu'on y arrive. On a quand même tourné quelque 130 plans en moins de vingt-quatre heures utiles de tournage. Autant dire qu'on ne doublait pas les "bonnes prises".
De plus, l'installation des éclairages étant ce qu'elle était, on tournait axe par axe, ce qui implique pour les comédiens, souvent filmés en champ/contrechamp, que leurs répliques étaient presque systématiquement tournées à plusieurs nuits d'intervalle. On a pourtant l'impression qu'ils discutent très naturellement...

Trouves-tu facilement des salles pour diffuser ton film ?

Non. C'est un cauchemar. Le marché est déjà faible pour les "petits" courts-métrages (festivals essentiellement). Alors pour les "gros"...

Et la télé ?, s'intéresse-t-elle aux courts ?

De plus en plus, mais à condition d'être "vraiment" court :
5 à 10 mn max.
Après, si le réalisateur ou les comédiens sont déjà connus du grand public, ça aide...

Quels sont tes prochains projets ?

"Les calissons d'Aix", une histoire "mignonne" avec Renée le Calm (la vieille dame de "Chacun cherche son chat" de Cédric Klapisch, qui a accepté le rôle, et peut-être Antoine Basler (magnifique avec Karine Viard dans "Emmène-moi"), si le scénario lui plaît.
J'ai aussi en projet un film socialement "engagé" dont le titre est "La pointeuse". Le nom des acteurs pressentis est top-sicraite, ce n'est encore qu'un projet
Je suis aussi censé écrire un truc pour une série de courts de Canal +, sur le thème du bonheur.

Quelles sont tes références cinématographiques ?

Alain Cavalier, Louis Malle, FJ Ossang, le Lynch de "Lost Highway" dont l'influence sur "Pendant la fête" est assez sensible en terme de "mécanique", Wong Kar-Waï, "Le locataire" de Polanski, Andrej Zulawski, Peter Greenaway, Stanley Kubrik, Mike Leigh, John Cassavetes, Chéreau, Patrick Bouchitey ("Lune froide"...), Aki Kaurismaki, R.W. Fassbinder, Richard Kern, Nick Zedd, Claude Sautet, Wayne Wang, Caro et Jeunet, Emir Kusturica, Patrick Grandperret, Fritz Lang, Werner Herzog, Jacques Audiard, Arnaud Despleschin, et comme tout le monde Quentin Tarantino, Jim Jarmush et Lars von Trier avant qu'il ne fassent tous les trois de la bouse.

Qui aimerais-tu diriger sur un tournage ?

Etienne Chicot, Karin Viard, Valéria Bruni-Tedeschi, Jeanne Balibar, Roshdy Zem, Antoine Basler, Zinedine Soualem, Mathieu Amalric, Renée le Calm, Jean Rochefort, Anna Galiéna, Jean-Pierre Marielle, Gena Rowlands (on peut rêver), Johnny Depp, Bernard Fresson, Jean-Louis et Marie Trintignant, Victor Lanoux, Sylvie Testud (une vieille amie), Jean-Hugues Anglade, Jean-Pierre Daroussin, Féodor Atkine, Yann Collette, Philippe Nahon, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Tom Waits, Jean Yanne, Maruschka Detmers, Pierre Richard, Pascal Greggory, Catherine Hiegel, Catherine Frot, Karen Oubraham, Yvan Attal, Patrick Bonnel, Bernard-Pierre Donnadieu, Lili Taylor, Gérard Lanvin, Anouk Grimberg, Dominique Pinon, Patrick Bouchitey, Albert Dupontel, Patrice Chéreau (on peut délirer...), Christopher Walken, Robert Lepage, Gérard Desarthe, Denis Lavant, Annie Girardot, Richard Bohringer, Jean-François Stévenin, Jean-François Balmer, Niels Arestrup, Harvey Keitel, Nastassja Kinski, Emmanuelle Devos (au théâtre... j'ai ma petite idée), Patrick Dewaere comme tout le monde mais il est mort, Klaus Kinski mais il est mort, Jean Bouise mais il est mort, Francis Blanche mais il est mort, Louis Jouvet mais il est mort, Richard Burton mais il est mort (je crois), Jean Carmet mais il est mort, Bernard Blier mais il est mort, Philippe Léotard mais il est mort, Peter Sellers mais il est mort, et Ilroy Plowright à nouveau.
Ca va ?

Ta dernière claque cinéma ?
"Sur mes lèvres" de Jacques Audiard avec Emmanuelle Devos et Vincent Cassel.
ça remonte un peu, donc...

Ta pire séance ?
Je ne sais plus.

Note : depuis cette interview, Renée Le Cam et Antoine Basler ont dit "oui" aux "Calissons d'Aix".

mailto : r.clinquart@free.fr